Préface

From Mondothèque

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Ce Livre Irradiant est un projet qui à démarré il y a déjà 3 ans à la réception d'une lettre d'information provenant du centre d'archives du Mundaneum à Mons. Avec beaucoup d'enthousiasme le message annonçait qu'Elio di Rupo, alors premier ministre belge, était sur le point de signer un accord portant sur une future collaboration entre le centre d'archives et Google. Cette nouvelle citait un article paru dans le magazine du journal français "Le Monde", qui comparait le Mundaneum à un "Google de papier". [1]. Ce fut la première rencontre avec cette thématique récurrente.

L'ancienne région minière aux alentours de Mons est également le terrain où Google a installé son plus grand "datacenter" européen, tel que cela a été arrangé par le même Di Rupo, après des années de négociations. À la suite de la valorisation de la personne de Paul Otlet comme 'l'un des pères fondateurs d'internet', et comme 'l'inventeur visionnaire du Google de papier' le Mundaneum reçoit enfin une attention internationale. Les politiciens locaux tirent parti de cette situation en faisant du Mundaneum un élément central de leur campagne axée sur la transformation de l'ancienne région industrielle en un pôle de l'ère d'Internet. Google — reconnaissant d'avoir découvert de façon posthume ses racines francophones — envoie son évangéliste en chef Vint Cerf au Mundaneum, à la suite de quoi, le centre d'archives permet à l'entreprise de publier des centaines de documents sur le site internet du Google Cultural Institute.

Alors que la ressemblance physique entre une rangée de tiroirs et une ferme de serveurs n'est peut-être pas de l'ordre de la coïncidence, associer, voire incorporer le projet de la connaissance universelle imaginé par Paul Otlet et Henri Lafontaine avec l'entreprise du géant du traitement de données, est un tout autre projet. L'affirmation 'Google de papier' a agi comme une provocation, évoquant d'autres cas similaires où des histoires situées géographiquement sont transformées en slogans publicitaires, et les infrastructures culturelles poussées dans les mains de firmes mondiales.

Un groupe international d'artistes et d'activistes s'est réuni pour débroussailler les nombreuses couches de cette histoire. Il semble clair que l'imbrication du projet historique du Mundaneum avec la mission de l'entreprise Alphabet Inc[2] est une simplification qui tient presque de la manipulation. Cependant, démêler les enjeux de cette association est plus facile à dire qu'à faire. Certains d'entre nous furent sensibles aux déformations apportées à l'œuvre même de Paul Otlet, d'autres eurent besoin de ramener cette œuvre à ses origines bruxelloises, ou encore de réinstaller la pratique de l'entretien et du 'prendre soin' dans l'histoire des pères fondateurs, alors que d'autres encore nous ont rejoints préoccupés par l'avenir des institutions culturelles et des bibliothèques à l'ère numérique.

Nous avons alors installé un MediaWiki Sémantique nommé "Mondothèque", en référence à l'appareillage imaginé par Paul Otlet en 1934. Le wiki fonctionne comme un dépositaire en ligne qui permet d'organiser de larges quantités de contenus en fonction de critères sémantiques, et de les modifier collaborativement. Il a constitué un cadre de référence pour le travail qui a été développé durant nos rencontres, visites et présentations publiques.[3] Pour Otlet, la Mondothèque devait être une "machine intellectuelle": à la fois une archive, génératrice de liens, un bureau d'écriture, un catalogue, et une station de diffusion. Il s'agissait pour lui de penser le musée, la bibliothèque, l'encyclopédie et le langage classificatoire comme un réseau complexe de relations interdépendantes, chaque élément étant comme un point d'entrée vers un autre. Otlet insistait sur l'idée que les impressions générées à partir de représentations dans un musée déclenchaient des processus sociaux et intellectuels différents que ceux engagés par la lecture d'un livre dans une bibliothèque, mais il assurait que, d'une certaine manière, l'un entraînait l'autre. [4].

L'objectif rêvé de sa Mondothèque était de créer une interface englobant les échelles, les perspectives et les médias différents, à l'intersection des différentes pratiques. Transposer cette machine historique dans le futur, était pour nous l'occasion de la faire devenir cette "machine à penser", un lieu où nous pouvions analyser les positions historiques et sociales du projet du Mundaneum, une plate-forme à partir de laquelle nous pouvions envisager nos interventions persistantes ensemble. La forme spéculative de la Mondothèque nous a peu à peu permis de comprendre les formations de pouvoir situées autour du projet, et de penser des formes possibles de résistance.[5]

Le wiki hébergé sur http://mondotheque.be a peu à peu grandi, se transformant en un labyrinthe d'images, de textes, de cartes et de liens sémantiques, d'outils et de vocabulaires. Développé à l'origine pour les besoins de Wikipedia, MediaWiki présume dans son fonctionnement notamment sa manière de déterminer les liens et un certain nombre de pratiques réputées "désirables" dont nous étions curieux. Par ailleurs, nous voulions travailler avec des expressions sémantiques, car nous étions particulièrement intéressés par la manière dont le Web Sémantique[6] ressemblait peut-être au système de classification Universel pensé par Otlet. Comme son auteur, nous avons failli nous perdre plusieurs fois dans les tunnels labyrinthiques de la connaissance universelle, l'univers infini des catégorisations, et les vertigineux rapports d'échelle. En conséquence, le travail était parfois peu confortable, désordonné et sans règles, mais nous à permis de débrouiller ces questions en public, associant l'urgence politique aux expérimentations poétiques.

Ce "Livre Irradiant" a été fait parce que nous voulions créer un momentum, une incision dans le processus iridescent qui nous a permis d'inviter de nombreux autres à observer le matériel entrelacé, sans avoir la contrainte de production d'un document final. Comme un salut à la toujours "croissante" "Bibliothèque Radieuse" de Otlet, nous avons décidé d'écrire et de générer la publication directement depuis la plate-forme MediaWiki, ce qui explique les différences inattendues et bienvenues sur les pages même du projet.

Les quatre chapitres que nous proposons mélangent chacun les faits et la fiction, les textes et les images, les documents et les catalogues. De cette manière, les processus et les contenus s'agencent mutuellement répondant aux contraintes matérielles que nous avons rencontrées. Mondothèque, et par conséquent ce "Livre Irradiant" est une aventure à plusieurs trames, s'écoulant dans la durée, et à plusieurs échelles, ce qui d'une certaine manière reflète une image diffractée des ambitions multi-englobantes de l'utopie du Mundaneum du 19ième siècle.

Embedded hierarchies ou hiérarchies internes explore la manière dont les systèmes de classification, et le rêve de leur usage universel fonctionnent. Cette partie réunit des contributions qui sont concernées par les infrastructures du savoir à plusieurs échelles, depuis les bibliothèques désobéissantes, les pratiques institutionnelles des archives digitales, les structures de métadonnées, jusqu'à l'indexation comme une pathologie.

Disambiguation élucide certains points de similarité qui se forment autour de l'héritage de Paul Otlet. Par une lecture rapprochée de biographies qui seraient proches, de termes et de vocabulaires similaires, il réattribue les différentes ambiguïtés.

Location, location, location décrit les enjeux géopolitique à l’œuvre. En suivant les archives itinérantes du Mundaneum à travers la capitale européenne, nous rencontrons différentes utopies locales, nationales et globales; ces utopies ont laissé des traces sur la manière dont les histoires sont racontées. Ce chapitre en retrace les schémas dans un paysage physique, depuis l'hyperlocal jusqu'au global.

Cross-readings, ou lecture croisées, consiste en une série d'images de collections et d'autre matériels qui font émerger des connections entre les lectures historiques et contemporaines, ravivant les liens spirituels ou mystiques qui sous tendent le Mundaneum, et laissant à voir les inclusions transversales d'éléments similaires à des emplacements différentes.

La raison d'être d'opérations modestes comme la Mondothèque, est de permettre de construire le courage de demander un accès aux documents, et aux infrastructures technologiques qui permettent de les interfacer et de les communiquer. C'est précisément à cause de l'urgence de la situation actuelle, alors que l'érosion des institutions publiques semble évident, et que toutes les formes de communication semblent nourrir l'agenda néolibéral, qu'il est important de trouver la patience de se rapprocher à ces histoires d'une manière qui crée du sens. C'est alors seulement que nous pourrons dépasser le paradigme techno-déterministe de la production de savoir, et pour cela, l'imagination est indispensable.

Last Revision: 1·08·2016
  1. Jean-Michel Djian, Le Mundaneum, Google de papier, Le Monde Magazine, 19 décembre 2009
  2. Sergey and I are seriously in the business of starting new things. Alphabet will also include our X lab, which incubates new efforts like Wing, our drone delivery effort. We are also stoked about growing our investment arms, Ventures and Capital, as part of this new structure. Alphabet Inc. will replace Google Inc. as the publicly-traded entity (...) Google will become a wholly-owned subsidiary of Alphabet https://abc.xyz/
  3. http://mondotheque.be
  4. The Mundaneum is an Idea, an Institution, a Method, a Body of workmaterials and Collections, a Building, a Network. Paul Otlet, Monde (1935)
  5. The analyses of these thèmes are transmitted through narratives -- mythologies or fictions, which I have renamed as "figurations" or cartographies of the present. A cartography is a politically informed map of one's historical and social locations, enabling the analysis of situated formations of power and hence the elaboration of adequate forms of resistance Rosi Braidotti, Nomadic Theory (2011)
  6. Some people have said, "Why do I need the Semantic Web? I have Google!" Google is great for helping people find things, yes! But finding things more easily is not the same thing as using the Semantic Web. It's about creating things from data you've complied yourself, or combining it with volumes (think databases, not so much individual documents) of data from other sources to make new discoveries. It's about the ability to use and reuse vast volumes of data. Yes, Google can claim to index billions of pages, but given the format of those diverse pages, there may not be a whole lot more the search engine tool can reliably do. We're looking at applications that enable transformations, by being able to take large amounts of data and be able to run models on the fly - whether these are financial models for oil futures, discovering the synergies between biology and chemistry researchers in the Life Sciences, or getting the best price and service on a new pair of hiking boots. Tim Berners-Lee interviewed in Consortium Standards Bulletin, 2005 http://www.consortiuminfo.org/bulletins/semanticweb.php

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