Difference between revisions of "Bibliothécaire amateur - un cours de pédagogie critique"

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<span class="name">[[author::Tomislav Medak]]</span> & <span class="name">[[author::Marcell Mars]]</span> (Public Library project)
  
VERSION FRANCAISE
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<div class="book">Proposition de programme d'études de bibliothécaire amateur développé à travers les activités et les exigences du projet ''Public Library''. Prenant pour base la généalogie historique de la bibliothèque publique en tant qu'institution permettant l'accès à la connaissance, la tradition prolétaire de la connaissance réellement utile et la puissance de l'amateur motivée par le développement technologique, le programme couvre différents secteurs : depuis les flux de travail directement applicables comme la numérisation, le partage et l'utilisation de livres électroniques, à la politique et la tactique de conservation des bibliothèques en ligne, en passant par la théorie médiatique appliquée qui est implicite dans les pratiques du bibliothécaire amateur. La proposition est plus amplement développée, complexifiée et sera testée durant les futures activités de ''Public Library'' et des organisations affiliées.</div>
  
[[author::Tomislav Medak]] & [[author::Marcell Mars]] (Public Library project)
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== Bibliothèque publique : une généalogie politique ==
  
<div class="book"><onlyinclude>A proposal for a curriculum in amateur librarianship, developed through the activities and exigencies of the Public Library project. Drawing from a historic genealogy of public library as the institution of access to knowledge, the proletarian tradition of really useful knowledge and the amateur agency driven by technological development, the curriculum covers a range of segments from immediately applicable workflows for scanning, sharing and using e-books, over politics and tactics around custodianship of online libraries, to applied media theory implicit in the practices of amateur librarianship. The proposal is made with further development, complexification and testing in mind during the future activities of the Public Library and affiliated organizations.</onlyinclude></div>
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Historiquement, les bibliothèques publiques sont parvenues à être un espace institutionnel exempté de la marchandisation et de la privatisation de la connaissance. Un espace dans lequel les œuvres littéraires et scientifiques sont abritées et rendues accessibles pour l'éducation de chaque membre de la société, quel que soit son statut social ou économique. Si, du point de vue libéral, l'éducation est un prérequis à la véritable participation au corps politique, c'est dans cet espace institutionnel étroit que la citoyenneté trouve une base matérielle importante à sa réalisation universelle.
  
== Public library, a political genealogy ==
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Si aujourd'hui elle est une institution d'accès public et de savoir populaire, il a fallu une série de transformations et de bouleversements sociaux au 18e et 19e siècle pour que la bibliothèque se développe. Ces développements ont provoqué l'arrivée d'un flot de livres et d'exigences politiques qui ont encouragé la bibliothèque à s'intégrer dans un horizon politique démocratisant et égalitaire. En toile de fond historique de ces développements, il y eut l'ascendance rapide du livre en tant que commodité de masse et l'importance croissante de la culture de la lecture suite à l'invention des caractères d'imprimerie mobiles. Ayant émergé à la même époque que le capitalisme, au début du 18e siècle le commerce des livres, était en pleine expansion. Alors qu'au 15e siècle, en Europe occidentale, les bibliothèques qui se trouvaient autour des monastères, des tribunaux et des universités ne contenaient pas plus de cinq millions de manuscrits, la production de l'imprimerie a atteint 700 millions de volumes, et ce, au 18e siècle seulement.<ref>1. Pour une histoire économique du livre en Europe occidentale, voir Eltjo Buringh et Jan Luiten Van Zanden, « ''Charting the ‘Rise of the West’ : Manuscripts and Printed Books in Europe, A Long-Term Perspective from the Sixth through Eighteenth Centuries'', » The Journal of Economic History 69, n°. 02 (juin 2009) : 409–45, doi :10.1017/S0022050709000837, en particulier les tableaux 1-5.</ref> Et alors que cela a offert un vecteur à l'émergence d'un public de lecteurs bourgeois et contribué à une expansion sans précédent de la science moderne, la culture de la lecture et des Lumières restait alors principalement le privilège d'une minorité.
  
Public libraries have historically achieved as an institutional space of exemption from the commodification and privatization of knowledge. A space where works of literature and science are housed and made accessible for the education of every member of society regardless of their social or economic status. If, as a liberal narrative has it, education is a prerequisite for full participation in a body politic, it is in this narrow institutional space that citizenship finds an important material base for its universal realization.   
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Deux bouleversements sociaux allaient commencer à changer cela. Le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale de la Révolution française a approuvé la saisie de tous les biens bibliothécaires de l'Église et de l'aristocratie. Des millions de volumes ont été transférés à la Bibliothèque Nationale ainsi qu'aux bibliothèques régionales, à travers la France. Au même moment, le capitalisme progressait, en particulier en Angleterre. Ce mouvement a massivement déplacé une population rurale pauvre dans les centres urbains en pleine croissance et propulsé le développement de la production industrielle. À la moitié du 19e siècle, il a également a introduit la presse typographique à vapeur dans la production commerciale de livres. {{RT|public_library}}<section begin=public_library />Puisqu'il était de plus en plus facile de produire des livres en masse, les bibliothèques privées payantes, au service des catégories privilégiées de la société, ont commencé à se répandre. Ce phénomène a mis en relief la question de la classe dans la demande naissante pour un accès public aux livres.<section end=public_library />
  
The library as an institution of public access and popular literacy, however, did not develop before a series of transformations and social upheavals unfolded in the course of 18th and 19th century. These developments brought about a flood of books and political demands pushing the library to become embedded in an egalitarian and democratizing political horizon. The historic backdrop for these developments was the rapid ascendancy of the book as a mass commodity and the growing importance of the reading culture in the aftermath of the invention of the movable type print. Having emerged almost in parallel with capitalism, by the early 18th century the trade in books was rapidly expanding. While in the 15th century the libraries around the monasteries, courts and universities of Western Europe contained no more than 5 million manuscripts, the output of printing presses in the 18th century alone exploded to formidable 700 million volumes.<ref>For an economic history of the book in the Western Europe see Eltjo Buringh and Jan Luiten Van Zanden, “Charting the ‘Rise of the West’: Manuscripts and Printed Books in Europe, A Long-Term Perspective from the Sixth through Eighteenth Centuries,''The Journal of Economic History'' 69, No. 02 (June 2009): 409–45, doi:10.1017/S0022050709000837, particularly Tables 1-5.</ref> And while this provided a vector for the emergence of a bourgeois reading public and an unprecedented expansion of modern science, the culture of reading and Enlightenment remained largely a privilege of the few.
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Après une tentative ratée d'introduction du suffrage universel en vue d'en finir avec le système de représentation politique basée sur les droits de propriété à travers l'Acte de réforme de 1832, le mouvement anglais du chartisme a commencé à ouvrir des salles de lectures et des bibliothèques de prêts coopératifs qui allaient bientôt devenir un foyer pour l'échange social entre les classes populaires. Suite aux mouvements révolutionnaires de 1848, les classes dirigeantes apeurées ont fini par accepter de répondre à la demande qui réclamait des librairies financées par l'argent public. Elles espéraient qu'un accès à la littérature et à l'édification favoriserait l'éducation des travailleurs qualifiés qui étaient de plus en plus en demande, mais souhaitaient aussi maintenir l'hégémonie sur la classe ouvrière au profit de la culture du capitalisme, de l'intérêt personnel et de la compétition.<ref>2. Pour une histoire sociale de la bibliothèque publique, voir Matthew Battles, ''Library: An Unquiet History'' (Random House, 2014) chapitre 5 : “Books for all”.</ref>
  
Two social upheavals would start to change that. On 2 November 1789 the French revolutionary National Assembly passed a decision to seize all library holdings from the Church and aristocracy. Million of volumes were transferred to the Bibliothèque Nationale and local libraries across France. At the same time capitalism was on the rise, particularly in England. It massively displaced the impoverished rural population into growing urban centres, propelled the development of industrial production and, by the mid-19th century, introduced the steam-powered rotary press into the commercial production of books. As books became more easily mass-produced, the commercial subscription libraries catering to the better-off parts of society blossomed. This brought the class aspect of the nascent demand for public access to books to the fore.  
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== La connaissance réellement utile ==
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<ref>3. Pour ce concept, nous sommes redevables au collectif de curateurs What, How and for Whom/WHW, qui a présenté le travail de Public Library dans le cadre de l'exposition ''Really Useful Knowledge'' qu'ils ont organisée au Museo Reina Sofía à Madrid, entre 29 octobre 2014 et le 9 février 2015. </ref>
  
After the failed attempt to introduce universal suffrage and end the system of political representation based on property entitlements through the Reform Act of 1832, the English Chartist movement started to open reading rooms and cooperative lending libraries that would quickly become a popular hotbed of social exchange between the lower classes. In the aftermath of the revolutionary upheavals of 1848, the fearful ruling classes finally consented to the demand for tax-financed public libraries, hoping that the access to literature and edification would after all help educate skilled workers that were increasingly in demand and ultimately hegemonize the working class for the benefits of capitalism's culture of self-interest and competition.<ref>For the social history of public library see Matthew Battles, ''Library: An Unquiet History'' (Random House, 2014) chapter 5: “Books for all”.</ref>
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Sans surprise, les chartistes, qui s'étaient retrouvés chancelants après une défaite politique, avaient commencé à ouvrir des salles de lecture et des bibliothèques de prêts coopératifs. En effet, à l'époque, l'éducation proposée au prolétariat et aux pauvres par les classes dirigeantes consistait, soit à une édification morale pieuse au service de la pacification politique, soit à l'inculcation de qualifications ou de connaissances qui  seraient utiles au propriétaire de l'usine. Même les efforts aux allures nobles de la Society for the Diffusion of the Useful Knowledge, une organisation du parti whig cherchant à apporter un apprentissage intellectuel à la classe ouvrière et à la classe moyenne sous la forme de publications bon marché et simplifiées, avaient pour objectif l'atténuation de la tendance radicale des mouvements populaires<ref>4. « ''Society for the Diffusion of Useful Knowledge'', »  Wikipedia, the Free Encyclopedia, Juin 25, 2015, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Society_for_the_Diffusion_of_Useful_Knowledge&oldid=668644340.</ref>
  
== Really useful knowledge==
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Ces efforts de pacification des masses opprimées les ont poussées à chercher des manières d'organiser par elles-mêmes une éducation qui leur apporterait l'alphabétisation et une connaissance réellement utile : une connaissance non pas appliquée, mais critique qui leur permettrait de voir à travers leur propre soumission politique et économique, de développer une politique radicale et d'innover leurs propres institutions sociales d'opposition. L'éducation radicale, dépendante du peu de ressources et du manque de temps de la classe ouvrière, s'est développée dans les cadres informels des foyers, des quartiers et des lieux de travail, mais également à travers une presse radicale, une lecture commune et des groupes de discussion.<ref>5. Richard Johnson, « ''Really Useful Knowledge'', »  dans ''CCCS Selected Working Papers'': Volume 1, 1 édition, vol. 1 (Londres u.a. : Routledge, 2014), 755.</ref>
<ref>For this concept we remain indebted to the curatorial collective What, How and for Whom/WHW, who have presented the work of Public Library within the exhibition ''Really Useful Knowledge'' they organized at Museo Reina Sofía in Madrid, October 29, 2014 – February 9, 2015.</ref>
 
  
It's no surprise that the Chartists, reeling from a political defeat, had started to open reading rooms and cooperative lending libraries. The education provided to the proletariat and the poor by the ruling classes of that time consisted, indeed, either of a pious moral edification serving political pacification or of an inculcation of skills and knowledge useful to the factory owner. Even the seemingly noble efforts of the Society for the Diffusion of the Useful Knowledge, a Whig organization aimed at bringing high-brow learning to the middle and working classes in the form of simplified and inexpensive publications, were aimed at dulling the edge of radicalism of popular movements.<ref>“Society for the Diffusion of Useful Knowledge,” ''Wikipedia, the Free Encyclopedia'', June 25, 2015, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Society_for_the_Diffusion_of_Useful_Knowledge&oldid=668644340.</ref>
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La demande pour une connaissance réellement utile comprenait une critique de « toute forme d'éducation “fournie” » et de la conception libérale selon laquelle « une “éducation nationale” était une condition nécessaire à la garantie du suffrage universel ». Un développement de « programmes et de pédagogies » radicaux constituait une part de l'arsenal de « stratégie politique comme moyen de changer le monde »<ref>Ibid., 752.</ref>
  
These efforts to pacify the downtrodden masses pushed them to seek ways of self-organized education that would provide them with literacy and really useful knowledge – not applied, but critical knowledge that would allow them to see through their own political and economic subjection, develop radical politics and innovate shadow social institutions of their own. The radical education, reliant on meagre resources and time of the working class, developed in the informal setting of household, neighbourhood and workplace, but also through radical press and communal reading and discussion groups.<ref>Richard Johnson, “Really Useful Knowledge,” in ''CCCS Selected Working Papers: Volume 1'', 1 edition, vol. 1 (London u.a.: Routledge, 2014), 755.</ref>
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== Pédagogie critique ==
  
The demand for really useful knowledge encompassed a critique of “all forms of ‘provided’ education” and of the liberal conception “that ‘national education’ was a necessary condition for the granting of universal suffrage.” Development of radical “curricula and pedagogies” formed a part of the arsenal of “political strategy as a means of changing the world.”<ref>Ibid., 752.</ref>
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L'émergence de la bibliothèque publique a donc eu lieu dans le contexte d'un compromis historique entre la formation des fondements d'une pédagogie radicale et une réaction visant à l'atténuer. Pourtant, à l'âge de la numérisation dans lequel nous pourrions penser que les opportunités pour un accès à la connaissance se sont largement étendues, les bibliothèques publiques se retrouvent particulièrement limitées dans leurs possibilités d'acquérir et de prêter des éditions aussi bien sous une forme papier que numérique. Cette difficulté est un signe de l'inégalité radicale de notre époque : une fois encore, l'émancipation politique se bat de manière défensive pour une base matérielle pédagogique contre les forces croissantes de la privatisation. Non seulement l'éducation de masse est devenue accessible à prix d'or uniquement, entrainant la dette étudiante et la servitude qui y est associée, mais la connaissance utile exigée par le marché du travail et la reproduction du capitalisme néolibéral sont devenues la seule logique de l'éducation.
  
== Critical pedagogy ==
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Sans surprise, au cours des six-sept dernières années, nous avons vu l'apprentissage autodidacte, les bibliothèques de l'ombre et les bibliothécaires amateurs émerger pour contrer la contraction des espaces d'exemption réduits par l'austérité et la commodification.
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Le projet ''Public Library'' a été initié dans l'idée de contrer ce phénomène. Pour aider tout le monde à apprendre l'utilisation d'outils simples permettant d'agir en tant qu'Amateur Librarian : numériser, rassembler, partager, préserver des livres, des articles onéreux, introuvables ou indésirables dans les coins mouvementés de notre planète.
  
This is the context of the emergence of the public library. A historical compromise between a push for radical pedagogy and a response to dull its edge. And yet with the age of digitization, where one would think that the opportunities for access to knowledge have expanded immensely, public libraries find themselves increasingly limited in their ability to acquire and lend both digital and paper editions. It is a sign of our radically unequal times that the political emancipation finds itself on a defensive fighting again for this material base of pedagogy against the rising forces of privatization. Not only has mass education become accessible only under the condition of high fees, student debt and adjunct peonage, but the useful knowledge that the labour market and reproduction of the neoliberal capitalism demands has become the one and only rationale for education.  
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''Amateur Librarian'' a joué un rôle important dans le système narratif de ''Public Library''. Un rôle qui semble avoir porté ses fruits. Les gens rejoignent facilement le projet en « devenant » bibliothécaire grâce à l'outil Calibre<ref>http://calibre-ebook.com/</ref> et [let’s share books].<ref>https://www.memoryoftheworld.org/blog/2014/10/28/calibre-lets-share-books/</ref> D'autres aspects du narratif de ''Public Library'' ajoutent une articulation politique à cet acte simple, mais désobéissant. ''Public Library'' perçoit une crise institutionnelle dans l'éducation, une impasse économique d'austérité et une domination de la logique de commodité sous la forme du droit d'auteur. Elle fait apparaitre la pratique du partage de livres et de catalogues des bibliothécaires amateurs comme un défi pertinent à l'encontre de la convergence de cette crise, de cette impasse et du régime du droit d'auteur.
  
No wonder that over the last 6-7 years we have seen self-education, shadow libraries and amateur librarians emerge again to counteract the contraction of spaces of exemption that have been shrunk by austerity and commodity.  
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Pour comprendre les hypothèses politiques et technologiques et développer plus en profondeur les stratégies sur lesquelles les réactions des bibliothécaires amateurs se basent, nous proposons un programme issu de la tradition pédagogique critique. La pédagogie critique est une pratique productive et théorique qui rejette la définition du procédé éducationnel comme réduit à une simple technique de communication de la connaissance et présentée comme un mode d'acquisition neutre.  Au contraire, la pédagogie est perçue plus largement comme « une lutte pour la connaissance, le désir, les valeurs, les relations sociales, et plus important encore, les modes d'institution politique », « une attention portée aux questions relatives au contrôle des conditions de production de la connaissance. »<ref>Henry A. Giroux, ''On Critical Pedagogy'' (Bloomsbury Academic, 2011), 5.</ref>
  
The project Public Library was initiated with the counteraction in mind. To help everyone learn to use simple tools to be able to act as an Amateur Librarian – to digitize, to collect, to share, to preserve books and articles that were unaffordable, unavailable, undesirable in the troubled corners of the Earth we hail from.  
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{{RT|journals}}<section begin=journals />Actuellement, aucune industrie ne montre plus d'asymétries au niveau du contrôle des conditions de production de la connaissance que celle de la publication académique. Refuser l'accès à des publications académiques excessivement chères pour beaucoup d'universités, en particulier dans l'hémisphère sud, contraste ostensiblement avec les profits énormes qu'un petit nombre d'éditeurs commerciaux tirent du travail bénévole de scientifiques qui écrivent, révisent et éditent des contributions et avec les prix exorbitants des souscriptions que les bibliothèques institutionnelles doivent payer.<section end=journals /> C'est donc ici que la bibliothèque amateur atteint le sommet de son intensité en matière de pédagogie critique : elle nous invite à formuler et à narrer plus précisément sa pratique à travers un processus partagé de découverte.  
  
Amateur Librarian played an important role in the narrative of Public Library. And it seems it was successful. People easily join the project by 'becoming' a librarian using Calibre<ref>http://calibre-ebook.com/</ref> and [let’s share books].<ref>https://www.memoryoftheworld.org/blog/2014/10/28/calibre-lets-share-books/</ref> Other aspects of the Public Library narrative add a political articulation to that simple yet disobedient act. Public Library detects an institutional crisis in education, an economic deadlock of austerity and a domination of commodity logic in the form of copyright. It conjures up the amateur librarians’ practice of sharing books/catalogues as a relevant challenge against the convergence of that crisis, deadlock and copyright regime.
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== Un programme ==
  
To understand the political and technological assumptions and further develop the strategies that lie behind the counteractions of amateur librarians, we propose a curriculum that is indebted to a tradition of critical pedagogy. Critical pedagogy is a productive and theoretical practice rejecting an understanding of educational process that reduces it to a technique of imparting knowledge and a neutral mode of knowledge acquisition. Rather, it sees the pedagogy as a broader “struggle over knowledge, desire, values, social relations, and, most important, modes of political agency”, “drawing attention to questions regarding who has control over the conditions for the production of knowledge.”<ref>Henry A. Giroux, ''On Critical Pedagogy'' (Bloomsbury Academic, 2011), 5.</ref>
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Une bibliothèque publique, c'est :
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* un libre accès aux livres pour tous les membres de la société,  
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* un catalogue de bibliothèque,  
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* un bibliothécaire.
  
No industry in the present demonstrates more the asymmetries of control over the conditions of production of knowledge than the academic publishing. The denial of access to outrageously expensive academic publications for many universities, particularly in the Global South, stands in stark contrast to the super-profits that a small number of commercial publishers draws from the free labour of scientists who write, review and edit contributions and the extortive prices their institutional libraries have to pay for subscriptions. It is thus here that the amateur librarianship attains its poignancy for a critical pedagogy, inviting us to closer formulate and unfold its practices in a shared process of discovery.
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Le programme de bibliothécaire amateur développe plusieurs aspects et implications d'une telle définition. Certaines parties du programme ont été construites à partir de différents ateliers et exposés qui se déroulaient précédemment dans le cadre du projet ''Public Library''. Certaines parties de ce programme doivent encore évoluer s'appuyant sur un processus de recherche futur, d'échange et de production de connaissance dans le processus éducatif. {{RT|countertechnique}}<section begin=countertechnique />Tout en restant schématique en allant de la pratique immédiate, à la stratégie, la tactique et au registre réflectif de la connaissance, il existe des personnes et pratiques - non citées ici - desquelles nous imaginons pouvoir apprendre.<section end=countertechnique />
  
== A curriculum ==
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La première itération de ce programme pourrait aussi bien être une académie d'été avec notre équipe sélectionnée de bibliothécaires, concepteurs, chercheurs, professeurs, qu'un petit atelier avec un groupe restreint d'étudiants se plongeant dans un aspect précis du programme. En résumé, ce programme est ouvert, aussi bien au processus éducationnel qu'aux contributions des autres. Nous sommes ouverts aux commentaires, aux dérivations et aux ajouts.
  
Public library is:
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=== MODULE 1 : Flux de travail ===
* free access to books for every member of society,
 
* library catalogue,
 
* librarian.
 
  
The curriculum in amateur librarianship develops aspects and implications of this definition. Parts of this curriculum have evolved over a number of workshops and talks previously held within the Public Library project, parts of it are yet to evolve from a process of future research, exchange and knowledge production in the education process. While schematic, scaling from the immediately practical, over strategic and tactical, to reflexive registers of knowledge, there are actual – here unnamed – people and practices we imagine we could be learning from.
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* du livre au livre électronique
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** '''numériser un livre avec un scanner de livres'''
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** '''supprimer la gestion des droits numériques et convertir au format livre numérique'''
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* du désordre au catalogue
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** '''gérer une bibliothèque de livres numériques avec Calibre'''
 +
** '''trouver des livres numériques et des articles dans des bibliothèques en ligne'''
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* de la référence à la bibliographie
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** '''annoter à partir d'une application ou d'un appareil de lecture de livres électroniques'''
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** '''créer une bibliographie académique sur Zotero'''
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* du dispositif de bloc au périphérique réseau
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** '''partager votre bibliothèque de livres numériques d'un périphérique local à un appareil de lecture'''
 +
** '''partager votre bibliothèque de livres numériques sur internet avec [let’s share books]'''
 +
* de l'espace IP privé à l'espace IP public
 +
** '''utiliser [let’s share books] et library.memoryoftheworld.org'''
 +
** '''utiliser logan & jessica'''
 +
** '''utiliser Science Hub'''
 +
** '''utiliser Tor'''
  
The first iteration of this curriculum could be either a summer academy rostered with our all-star team of librarians, designers, researchers and teachers, or a small workshop with a small group of students delving deeper into one particular aspect of the curriculum. In short it is an open curriculum: both open to educational process and contributions by others. We welcome comments, derivations and additions.
+
=== MODULE 2 : Politique/tactique ===
  
=== MODULE 1: Workflows ===
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* du développement de la subordination à la désobéissance subalterne
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** '''développement inégal et stratégies politiques'''
 +
** '''stratégies de développement contre les stratégies de sous développement : accès ouvert contre piratage'''
 +
* de la propriété au commun
 +
** '''de la propriété au commun'''
 +
** '''droit d'auteur, publication scientifique, accès ouvert'''
 +
** '''bibliothèque de l'ombre, piratage, custodians.online'''
 +
* de la collection à l'action collective
 +
** '''pédagogie critique et éducation'''
 +
** '''archive, activation et action collective'''
  
* from book to e-book
+
=== MODULE 3 : Abstractions dans l'action ===
** '''digitizing a book on a book scanner'''
 
** '''removing DRM and converting e-book formats'''
 
  
* from clutter to catalogue
+
* du linéaire à l'informatique
** '''managing an e-book library with Calibre'''
+
** '''bibliothèque'''
** '''finding e-books and articles on online libraries'''
+
** '''livre imprimé et livre numérique : page, marge, dos'''
 +
* du central au distribué
 +
** '''bibliothécaires professionnels et bibliothécaires amateurs'''
 +
** '''infrastructure(s) de réseau/topologies (études des classes dirigeantes)'''
 +
* du factuel au fantastique
 +
** '''l'univers pour bibliothèque, la bibliothèque pour univers'''
  
* from reference to bibliography
+
== Liste de lecture ==
** '''annotating in an e-book reader device or application'''
 
** '''creating a scholarly bibliography in Zotero'''
 
  
* from block device to network device
+
* Mars, Marcell; Vladimir, Klemo. ''Download & How to: Calibre & [let’s share books]''. Memory of the World (2014) https://www.memoryoftheworld.org/blog/2014/10/28/calibre-lets-share-books/
** '''sharing your e-book library on a local network to a reading device'''
+
* Buringh, Eltjo; Van Zanden, Jan Luiten. ''Charting the “Rise of the West”: Manuscripts and Printed Books in Europe, A Long-Term Perspective from the Sixth through Eighteenth Centuries''. The Journal of Economic History (2009) http://journals.cambridge.org/article_S0022050709000837
** '''sharing your e-book library on the internet with [let’s share books]'''
+
* Mattern, Shannon. ''Library as Infrastructure''. Places Journal (2014) https://placesjournal.org/article/library-as-infrastructure/
 +
* Antonić, Voja. ''Our beloved bookscanner''. Memory of the World (2012) https://www.memoryoftheworld.org/blog/2012/10/28/our-beloved-bookscanner-2/
 +
* Medak, Tomislav; Sekulić, Dubravka; Mertens, An. ''How to: Bookscanning''. Memory of the World (2014) https://www.memoryoftheworld.org/blog/2014/12/08/how-to-bookscanning/
 +
* Barok, Dušan. ''Talks/Public Library''. Monoskop (2015) http://monoskop.org/Talks/Public_Library
 +
* Custodians.online. ''In Solidarity with Library Genesis and Science Hub'' (2015) http://custodians.online
 +
* Battles, Matthew. ''Library: An Unquiet History'' Random House (2014)
 +
* Harris, Michael H. ''History of Libraries of the Western World''. Scarecrow Press (1999)
 +
* MayDay Rooms. ''Activation'' (2015) http://maydayrooms.org/activation/
 +
* Krajewski, Markus. ''Paper Machines: About Cards & Catalogs, 1548-1929''. MIT Press (2011) https://library.memoryoftheworld.org/b/PaRC3gldHrZ3MuNPXyrh1hM1meyyaqvhaWl-HTvr53NRjJ2k
  
* from private to public IP space
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Dernière version: https://www.zotero.org/groups/amateur_librarian_-_a_course_in_critical_pedagogy_reading_list
** '''using [let’s share books] & library.memoryoftheworld.org'''
 
** '''using logan & jessica'''
 
** '''using Science Hub'''
 
** '''using Tor'''
 
 
 
=== MODULE 2: Politics/tactics ===
 
 
 
* from developmental subordination to subaltern disobedience
 
** '''uneven development & political strategies'''
 
** '''strategies of the developed v strategies of the underdeveloped : open access v piracy'''
 
 
 
* from property to commons
 
** '''from property to commons'''
 
** '''copyright, scientific publishing, open access'''
 
** '''shadow libraries, piracy, custodians.online'''
 
 
 
* from collection to collective action
 
** '''critical pedagogy & education'''
 
** '''archive, activation & collective action'''
 
 
 
=== MODULE 3: Abstractions in action ===
 
 
 
* from linear to computational
 
** '''library & epistemology: catalogue, search, discovery, reference'''
 
** '''print book v e-book: page, margin, spine'''
 
 
 
* from central to distributed
 
** '''deep librarianship & amateur librarians'''
 
** '''network infrastructure(s)/topologies (ruling class studies)'''
 
 
 
* from factual to fantastic
 
** '''universe as library as universe'''
 
 
 
=== Reading List ===
 
 
 
https://www.zotero.org/groups/amateur_librarian_-_a_course_in_critical_pedagogy_reading_list
 
  
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{{Revision}}
 
[[Category:Publication]]
 
[[Category:Publication]]

Latest revision as of 09:13, 1 August 2016

Tomislav Medak & Marcell Mars (Public Library project)

Proposition de programme d'études de bibliothécaire amateur développé à travers les activités et les exigences du projet Public Library. Prenant pour base la généalogie historique de la bibliothèque publique en tant qu'institution permettant l'accès à la connaissance, la tradition prolétaire de la connaissance réellement utile et la puissance de l'amateur motivée par le développement technologique, le programme couvre différents secteurs : depuis les flux de travail directement applicables comme la numérisation, le partage et l'utilisation de livres électroniques, à la politique et la tactique de conservation des bibliothèques en ligne, en passant par la théorie médiatique appliquée qui est implicite dans les pratiques du bibliothécaire amateur. La proposition est plus amplement développée, complexifiée et sera testée durant les futures activités de Public Library et des organisations affiliées.

Bibliothèque publique : une généalogie politique

Historiquement, les bibliothèques publiques sont parvenues à être un espace institutionnel exempté de la marchandisation et de la privatisation de la connaissance. Un espace dans lequel les œuvres littéraires et scientifiques sont abritées et rendues accessibles pour l'éducation de chaque membre de la société, quel que soit son statut social ou économique. Si, du point de vue libéral, l'éducation est un prérequis à la véritable participation au corps politique, c'est dans cet espace institutionnel étroit que la citoyenneté trouve une base matérielle importante à sa réalisation universelle.

Si aujourd'hui elle est une institution d'accès public et de savoir populaire, il a fallu une série de transformations et de bouleversements sociaux au 18e et 19e siècle pour que la bibliothèque se développe. Ces développements ont provoqué l'arrivée d'un flot de livres et d'exigences politiques qui ont encouragé la bibliothèque à s'intégrer dans un horizon politique démocratisant et égalitaire. En toile de fond historique de ces développements, il y eut l'ascendance rapide du livre en tant que commodité de masse et l'importance croissante de la culture de la lecture suite à l'invention des caractères d'imprimerie mobiles. Ayant émergé à la même époque que le capitalisme, au début du 18e siècle le commerce des livres, était en pleine expansion. Alors qu'au 15e siècle, en Europe occidentale, les bibliothèques qui se trouvaient autour des monastères, des tribunaux et des universités ne contenaient pas plus de cinq millions de manuscrits, la production de l'imprimerie a atteint 700 millions de volumes, et ce, au 18e siècle seulement.[1] Et alors que cela a offert un vecteur à l'émergence d'un public de lecteurs bourgeois et contribué à une expansion sans précédent de la science moderne, la culture de la lecture et des Lumières restait alors principalement le privilège d'une minorité.

Deux bouleversements sociaux allaient commencer à changer cela. Le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale de la Révolution française a approuvé la saisie de tous les biens bibliothécaires de l'Église et de l'aristocratie. Des millions de volumes ont été transférés à la Bibliothèque Nationale ainsi qu'aux bibliothèques régionales, à travers la France. Au même moment, le capitalisme progressait, en particulier en Angleterre. Ce mouvement a massivement déplacé une population rurale pauvre dans les centres urbains en pleine croissance et propulsé le développement de la production industrielle. À la moitié du 19e siècle, il a également a introduit la presse typographique à vapeur dans la production commerciale de livres.
The decisions about who, to which sections and under which conditions is to be admitted are informed by a mix of copyright laws, corporate agendas, management hierarchies, and national security issues. Various sets of these conditions that are at work in a particular library, also redefine the notion of publishing and of the publication, and in turn the notion of public.

As books became more easily mass-produced, the commercial subscription libraries catering to the better-off parts of society blossomed. This brought the class aspect of the nascent demand for public access to books to the fore.

Puisqu'il était de plus en plus facile de produire des livres en masse, les bibliothèques privées payantes, au service des catégories privilégiées de la société, ont commencé à se répandre. Ce phénomène a mis en relief la question de la classe dans la demande naissante pour un accès public aux livres.

Après une tentative ratée d'introduction du suffrage universel en vue d'en finir avec le système de représentation politique basée sur les droits de propriété à travers l'Acte de réforme de 1832, le mouvement anglais du chartisme a commencé à ouvrir des salles de lectures et des bibliothèques de prêts coopératifs qui allaient bientôt devenir un foyer pour l'échange social entre les classes populaires. Suite aux mouvements révolutionnaires de 1848, les classes dirigeantes apeurées ont fini par accepter de répondre à la demande qui réclamait des librairies financées par l'argent public. Elles espéraient qu'un accès à la littérature et à l'édification favoriserait l'éducation des travailleurs qualifiés qui étaient de plus en plus en demande, mais souhaitaient aussi maintenir l'hégémonie sur la classe ouvrière au profit de la culture du capitalisme, de l'intérêt personnel et de la compétition.[2]

La connaissance réellement utile

[3]

Sans surprise, les chartistes, qui s'étaient retrouvés chancelants après une défaite politique, avaient commencé à ouvrir des salles de lecture et des bibliothèques de prêts coopératifs. En effet, à l'époque, l'éducation proposée au prolétariat et aux pauvres par les classes dirigeantes consistait, soit à une édification morale pieuse au service de la pacification politique, soit à l'inculcation de qualifications ou de connaissances qui seraient utiles au propriétaire de l'usine. Même les efforts aux allures nobles de la Society for the Diffusion of the Useful Knowledge, une organisation du parti whig cherchant à apporter un apprentissage intellectuel à la classe ouvrière et à la classe moyenne sous la forme de publications bon marché et simplifiées, avaient pour objectif l'atténuation de la tendance radicale des mouvements populaires[4]

Ces efforts de pacification des masses opprimées les ont poussées à chercher des manières d'organiser par elles-mêmes une éducation qui leur apporterait l'alphabétisation et une connaissance réellement utile : une connaissance non pas appliquée, mais critique qui leur permettrait de voir à travers leur propre soumission politique et économique, de développer une politique radicale et d'innover leurs propres institutions sociales d'opposition. L'éducation radicale, dépendante du peu de ressources et du manque de temps de la classe ouvrière, s'est développée dans les cadres informels des foyers, des quartiers et des lieux de travail, mais également à travers une presse radicale, une lecture commune et des groupes de discussion.[5]

La demande pour une connaissance réellement utile comprenait une critique de « toute forme d'éducation “fournie” » et de la conception libérale selon laquelle « une “éducation nationale” était une condition nécessaire à la garantie du suffrage universel ». Un développement de « programmes et de pédagogies » radicaux constituait une part de l'arsenal de « stratégie politique comme moyen de changer le monde »[6]

Pédagogie critique

L'émergence de la bibliothèque publique a donc eu lieu dans le contexte d'un compromis historique entre la formation des fondements d'une pédagogie radicale et une réaction visant à l'atténuer. Pourtant, à l'âge de la numérisation dans lequel nous pourrions penser que les opportunités pour un accès à la connaissance se sont largement étendues, les bibliothèques publiques se retrouvent particulièrement limitées dans leurs possibilités d'acquérir et de prêter des éditions aussi bien sous une forme papier que numérique. Cette difficulté est un signe de l'inégalité radicale de notre époque : une fois encore, l'émancipation politique se bat de manière défensive pour une base matérielle pédagogique contre les forces croissantes de la privatisation. Non seulement l'éducation de masse est devenue accessible à prix d'or uniquement, entrainant la dette étudiante et la servitude qui y est associée, mais la connaissance utile exigée par le marché du travail et la reproduction du capitalisme néolibéral sont devenues la seule logique de l'éducation.

Sans surprise, au cours des six-sept dernières années, nous avons vu l'apprentissage autodidacte, les bibliothèques de l'ombre et les bibliothécaires amateurs émerger pour contrer la contraction des espaces d'exemption réduits par l'austérité et la commodification. Le projet Public Library a été initié dans l'idée de contrer ce phénomène. Pour aider tout le monde à apprendre l'utilisation d'outils simples permettant d'agir en tant qu'Amateur Librarian : numériser, rassembler, partager, préserver des livres, des articles onéreux, introuvables ou indésirables dans les coins mouvementés de notre planète.

Amateur Librarian a joué un rôle important dans le système narratif de Public Library. Un rôle qui semble avoir porté ses fruits. Les gens rejoignent facilement le projet en « devenant » bibliothécaire grâce à l'outil Calibre[7] et [let’s share books].[8] D'autres aspects du narratif de Public Library ajoutent une articulation politique à cet acte simple, mais désobéissant. Public Library perçoit une crise institutionnelle dans l'éducation, une impasse économique d'austérité et une domination de la logique de commodité sous la forme du droit d'auteur. Elle fait apparaitre la pratique du partage de livres et de catalogues des bibliothécaires amateurs comme un défi pertinent à l'encontre de la convergence de cette crise, de cette impasse et du régime du droit d'auteur.

Pour comprendre les hypothèses politiques et technologiques et développer plus en profondeur les stratégies sur lesquelles les réactions des bibliothécaires amateurs se basent, nous proposons un programme issu de la tradition pédagogique critique. La pédagogie critique est une pratique productive et théorique qui rejette la définition du procédé éducationnel comme réduit à une simple technique de communication de la connaissance et présentée comme un mode d'acquisition neutre. Au contraire, la pédagogie est perçue plus largement comme « une lutte pour la connaissance, le désir, les valeurs, les relations sociales, et plus important encore, les modes d'institution politique », « une attention portée aux questions relatives au contrôle des conditions de production de la connaissance. »[9]

No industry in the present demonstrates more the asymmetries of control over the conditions of production of knowledge than the academic publishing. The denial of access to outrageously expensive academic publications for many universities, particularly in the Global South, stands in stark contrast to the super-profits that a small number of commercial publishers draws from the free labour of scientists who write, review and edit contributions and the extortive prices their institutional libraries have to pay for subscriptions.

FS: Hoe gaan jullie om met boeken en publicaties die al vanaf het begin digitaal zijn? DM: We kopen e-books en e-tijdschriften en maken die beschikbaar voor onderzoekers. Maar dat zijn hele andere omgevingen, omdat die content niet fysiek binnen onze muren komt. We kopen toegang tot servers van uitgevers of de aggregator. Die content komt nooit bij ons, die blijft op hun machines staan. We kunnen daar dus eigenlijk niet zoveel mee doen, behalve verwijzen en zorgen dat het evengoed vindbaar is als de print.

Actuellement, aucune industrie ne montre plus d'asymétries au niveau du contrôle des conditions de production de la connaissance que celle de la publication académique. Refuser l'accès à des publications académiques excessivement chères pour beaucoup d'universités, en particulier dans l'hémisphère sud, contraste ostensiblement avec les profits énormes qu'un petit nombre d'éditeurs commerciaux tirent du travail bénévole de scientifiques qui écrivent, révisent et éditent des contributions et avec les prix exorbitants des souscriptions que les bibliothèques institutionnelles doivent payer. C'est donc ici que la bibliothèque amateur atteint le sommet de son intensité en matière de pédagogie critique : elle nous invite à formuler et à narrer plus précisément sa pratique à travers un processus partagé de découverte.

Un programme

Une bibliothèque publique, c'est :

  • un libre accès aux livres pour tous les membres de la société,
  • un catalogue de bibliothèque,
  • un bibliothécaire.
Le programme de bibliothécaire amateur développe plusieurs aspects et implications d'une telle définition. Certaines parties du programme ont été construites à partir de différents ateliers et exposés qui se déroulaient précédemment dans le cadre du projet Public Library. Certaines parties de ce programme doivent encore évoluer s'appuyant sur un processus de recherche futur, d'échange et de production de connaissance dans le processus éducatif.
It is within and against this milieu that libraries such as the Internet Archive, Wikileaks, Aaaaarg, UbuWeb, Monoskop, Memory of the World, Nettime, TheNextLayer and others gain their political agency. Their counter-techniques for negotiating the publicness of publishing include self-archiving, open access, book liberation, leaking, whistle-blowing, open source search algorithms and so on.

While schematic, scaling from the immediately practical, over strategic and tactical, to reflexive registers of knowledge, there are actual – here unnamed – people and practices we imagine we could be learning from.

Tout en restant schématique en allant de la pratique immédiate, à la stratégie, la tactique et au registre réflectif de la connaissance, il existe des personnes et pratiques - non citées ici - desquelles nous imaginons pouvoir apprendre.

La première itération de ce programme pourrait aussi bien être une académie d'été avec notre équipe sélectionnée de bibliothécaires, concepteurs, chercheurs, professeurs, qu'un petit atelier avec un groupe restreint d'étudiants se plongeant dans un aspect précis du programme. En résumé, ce programme est ouvert, aussi bien au processus éducationnel qu'aux contributions des autres. Nous sommes ouverts aux commentaires, aux dérivations et aux ajouts.

MODULE 1 : Flux de travail

  • du livre au livre électronique
    • numériser un livre avec un scanner de livres
    • supprimer la gestion des droits numériques et convertir au format livre numérique
  • du désordre au catalogue
    • gérer une bibliothèque de livres numériques avec Calibre
    • trouver des livres numériques et des articles dans des bibliothèques en ligne
  • de la référence à la bibliographie
    • annoter à partir d'une application ou d'un appareil de lecture de livres électroniques
    • créer une bibliographie académique sur Zotero
  • du dispositif de bloc au périphérique réseau
    • partager votre bibliothèque de livres numériques d'un périphérique local à un appareil de lecture
    • partager votre bibliothèque de livres numériques sur internet avec [let’s share books]
  • de l'espace IP privé à l'espace IP public
    • utiliser [let’s share books] et library.memoryoftheworld.org
    • utiliser logan & jessica
    • utiliser Science Hub
    • utiliser Tor

MODULE 2 : Politique/tactique

  • du développement de la subordination à la désobéissance subalterne
    • développement inégal et stratégies politiques
    • stratégies de développement contre les stratégies de sous développement : accès ouvert contre piratage
  • de la propriété au commun
    • de la propriété au commun
    • droit d'auteur, publication scientifique, accès ouvert
    • bibliothèque de l'ombre, piratage, custodians.online
  • de la collection à l'action collective
    • pédagogie critique et éducation
    • archive, activation et action collective

MODULE 3 : Abstractions dans l'action

  • du linéaire à l'informatique
    • bibliothèque
    • livre imprimé et livre numérique : page, marge, dos
  • du central au distribué
    • bibliothécaires professionnels et bibliothécaires amateurs
    • infrastructure(s) de réseau/topologies (études des classes dirigeantes)
  • du factuel au fantastique
    • l'univers pour bibliothèque, la bibliothèque pour univers

Liste de lecture

Dernière version: https://www.zotero.org/groups/amateur_librarian_-_a_course_in_critical_pedagogy_reading_list

Last Revision: 1·08·2016
  1. 1. Pour une histoire économique du livre en Europe occidentale, voir Eltjo Buringh et Jan Luiten Van Zanden, « Charting the ‘Rise of the West’ : Manuscripts and Printed Books in Europe, A Long-Term Perspective from the Sixth through Eighteenth Centuries, » The Journal of Economic History 69, n°. 02 (juin 2009) : 409–45, doi :10.1017/S0022050709000837, en particulier les tableaux 1-5.
  2. 2. Pour une histoire sociale de la bibliothèque publique, voir Matthew Battles, Library: An Unquiet History (Random House, 2014) chapitre 5 : “Books for all”.
  3. 3. Pour ce concept, nous sommes redevables au collectif de curateurs What, How and for Whom/WHW, qui a présenté le travail de Public Library dans le cadre de l'exposition Really Useful Knowledge qu'ils ont organisée au Museo Reina Sofía à Madrid, entre 29 octobre 2014 et le 9 février 2015.
  4. 4. « Society for the Diffusion of Useful Knowledge, » Wikipedia, the Free Encyclopedia, Juin 25, 2015, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Society_for_the_Diffusion_of_Useful_Knowledge&oldid=668644340.
  5. 5. Richard Johnson, « Really Useful Knowledge, » dans CCCS Selected Working Papers: Volume 1, 1 édition, vol. 1 (Londres u.a. : Routledge, 2014), 755.
  6. Ibid., 752.
  7. http://calibre-ebook.com/
  8. https://www.memoryoftheworld.org/blog/2014/10/28/calibre-lets-share-books/
  9. Henry A. Giroux, On Critical Pedagogy (Bloomsbury Academic, 2011), 5.