Difference between revisions of "A radiating interview/Un entrevue irradiant/Een irradiërend gesprek"

From Mondothèque

Line 325: Line 325:
  
 
RC : C’est un autre boulot.
 
RC : C’est un autre boulot.
 
== Références ==
 
  
 
[[Category:Publication]]
 
[[Category:Publication]]

Revision as of 16:08, 26 June 2016

THIS IS A DRAFT


Intro in NL, EN, FR. The Radiated interview, how does this work.

Pas mal de choses à faire

ADV : Dans votre politique de numérisation, quelle infrastructure d’accès envisagez-vous et pour quel type de données et de métadonnées ?

RC : On numérise depuis longtemps au Mundaneum, depuis 1995. À l’époque, il y avait déjà du matériel de numérisation. Forcément pas avec les même outils que l’on a aujourd’hui, on n’imaginait pas avoir accès aux bases de données sur le net. Il y a eu des évolutions techniques, technologiques qui ont été importantes. Ce qui fait que pendant quelques années on a travaillé avec le matériel qui était toujours présent en interne, mais pas vraiment avec un plan de numérisation sur le long terme. Juste pour répondre à des demandes, soit pour nous, parce qu’on avait des publications ou des expositions ou parce qu’on avait des demandes extérieures de reproductions.

L’objectif évidemment c’est de pouvoir mettre à la disposition du public tout ce qui a été numérisé. Il faut savoir que nous avons une base de données qui s’appelle Pallas[1] qui a été soutenue par la Communauté Française depuis 2003. Malheureusement, le logiciel nous pose pas mal de problème. On a déjà tenté des intégrations d’images et ça ne s’affiche pas toujours correctement. Parfois on a des fiches descriptives mais nous n’avons pas l’image qui correspond.

SM : La Communauté Française a imposé ce système et nous a fournis cela à partir de 2007. L’idée c’est que les centres d’archives utilisent tous un même système. C’est une belle initiative, et dans ce cadre là, c’était l’idée d’avoir une plateforme générale, où toutes les sources liées aux archives publiques, enfin les archives soutenues par la Communauté Française - qui ne sont pas publiques d’ailleurs - puissent être accessibles à un seul et même endroit.

RC : Il y avait en tout cas cette idée par la suite, d’avoir une plate-forme commune, qui s’appelle numériques.be[2]. Malheureusement, ce qu’on trouve sur numeriques.be ce n’est pas ce qu’on retrouve sur Pallas, ce sont deux structures différentes. En gros, si on veut diffuser sur les deux, c’est deux fois le travail.

En plus, ils n’ont pas configuré numérique.be pour qu’il puisse être moissonné par Europeana[3]. Il y a des normes qui ne correspondent pas.

SM : Ce sont des choix politiques là. Et nous on dépend de ça.

RC : Soit il y a un problème technique, soit il y a un problème d’autorisation.

Il faut savoir que c’est assez complexe au niveau des métadonnées, il y a pas mal de choses à faire. On a pendant tout un temps numérisé, mais on a généré les métadonnées au fur et à mesure, donc il y aussi un gros travail à réaliser par rapport à ça. Normalement, pour le début 2017 on envisagera le passage à Europeana avec des métadonnées correctes et le fait qu’on puisse verser des fichiers corrects.

C’est assez lourd comme travail parce que nous devons générer les métadonnées à chaque fois. Si vous prenez le Dublin Core[4], c’est à chaque fois 23 champs à remplir par document. On essaye de remplir le maximum. De temps en temps, ça peut être assez lourd quand même.

La vie de la pièce

FS : Pouvez-vous nous parler du détail de la lecture des documents d’Otlet et de la rédaction de leur description, le passage d’un document « Otletien » à une version numérisée ?

RC : Il faut déjà au minimum avoir un inventaire. Il faut que les pièces soient numérotées, sinon c’est un peu difficile de retracer tout le travail. Parfois, ça passe par une petite phase de restauration parce qu’on a des documents poussiéreux et quand on scanne ça se voit. Parfois, on doit faire des mises à plat, pour les journaux par exemple, parce qu’ils sont pliés dans les boîtes. Ça prend déjà un petit moment avant de pouvoir les numériser. Ensuite, on va scanner le document, ça c’est la partie la plus facile. On le met sur le scanner, on appuie sur un bouton, presque.

Si c’est un manuscrit, on ne va pas pouvoir océriser. Par contre, si c’est un document imprimé, là, on va l’océriser en sachant qu’il va falloir le revérifier par la suite, parce qu’il y a toujours un pourcentage d’erreur. Par exemple, dans les journaux, en fonction de la typographie, si vous avez des mots qui sont un peu effacés avec le temps, il faut vérifier tout ça. Et puis, on va générer les métadonnées Dublin Core. L’identifiant, un titre, tout ce qui concerne les contributeurs : éditeurs, illustrateurs, imprimeurs etc . c’est une description, c’est une indexation par mots clefs, c’est une date, c’est une localisation géographique, si il y en a une. C’est aussi, faire des liens avec soit des ressources en interne soit des ressources externes. Donc par exemple, moi si je pense à une affiche, si elle a été dans une exposition si elle a été publiée, il faut mettre toutes les références.

SM : La vie de la pièce.

RC : Et faire le lien par exemple vers d’autres fonds, une autre lettre… Donc, vous avez vraiment tous les liens qui sont là. Et puis, vous avez la description du fichier numérique en lui-même. Nous on a à chaque fois quatre fichiers numériques : Un fichier RAW, un fichier Tiff en 300 DPI, un JPEG en 300 DPI et un dernier JPE en 72 DPI, qui sont en fait les trois formats qu’on utilise le plus. Et puis, là pareil, vous remettez un titre, une date, vous avez aussi tout ce qui concerne les autorisations, les droits… Pour chaque document il y a tout ces champs à remplir.

SM : Face à un schéma d’Otlet on se demandait parfois ce que sont tous ces gribouillons. On ne comprend pas tout de suite grand chose.

RC : Ça demande quand même une certaine discipline, de la concentration et du temps pour pouvoir le faire bien.

FS : Qui fait la description ? Plusieurs personnes ou quelqu’un qui travaille seul ?

RC : Généralement c’est quelqu’un seul qui décrit. Là c’est un texte libre, donc c’est encore assez facile. Maintenant quand vous devez indexer, il faut utiliser des Thesaurus existants, ce qui n’est pas toujours facile parce que parfois ce sont des contraintes, quand vous devez choisir le champ et que ce n’est pas tout à fait le vocabulaire que vous avez l’habitude d’utiliser.

SM : On a rencontré une firme, effectivement, quelqu’un qui pensait qu’on allait pouvoir automatiser la chaîne de description des archives avec la numérisation y compris. Il ne comprenait pas que c’était une tâche impossible. C’est une tâche humaine. Et franchement, toute l’expérience qu’on peut avoir par rapport à ça aide énormément. Je ne pense pas, là maintenant, qu’un cerveau humain puisse être remplacé par une machine. Je n’y crois pas.

Une méthode d’indexation standardisée

FS : Votre travail touche très intimement à la pratique d’Otlet même. En fait, dans les documents que nous avons consultés, nous avons vus plusieurs essais d’indexation, plusieurs niveaux de systèmes de classement. Comment cela se croise-t-il avec votre travail de numérisation ? Gardez-vous une trace de ces systèmes déjà projetés sur les documents eux-mêmes ?

SM : Je crois qu’il y a deux éléments. Ici, si la question portait sur les étapes de la numérisation, on part du document lui-même pour arriver à un nommage de fichier et il y a une description avec plusieurs champs. Si finalement la pièce qui est numérisée, elle a sa propre vie, sa propre histoire et c’est ça qu’on comprend. Par contre, au départ, on part du principe que le fond est décrit, il y a un inventaire. On va faire comme si c’était toujours le cas, ce n’est pas vrai d’ailleurs, ce n’est pas toujours le cas.

Et autre chose, aujourd’hui nous sommes un centre d’archives. Otlet était dans une conception d’ouverture à la documentation, d’ouverture à l’Encyclopédie, vraiment quelque chose de très très large. Notre norme de travail c’est d’utiliser la norme de description générale des archives[5], et c’est une autre contrainte. C’est un gros boulot ça aussi.

On doit pouvoir faire des relations avec d’autres éléments qui se trouvent ailleurs, d’autres documents, d’autres collections. C’est une lecture, je dirais presque en réseau des documents. Évidemment c’est intéressant. Mais d’un autre côté, nous sommes archivistes, et c’est pas qu’on n’aime pas la logique d’Otlet, mais on doit se faire à une discipline qui nous impose aussi de protéger le patrimoine ici, qui appartient à la Communauté Française et qui donc doit être décrit de manière normée comme dans les autres centres d’archives.

C’est une différence de dialogues. Pour moi ce n’est pas un détail du tout. Le fait que par exemple, certains vont se dire « vous ne mettez pas l’indice CDU dans ces champs » ... vous n’avez d’ailleurs pas encore posé cette question … ?

ADV : Elle allait venir !

SM : Aujourd’hui on ne cherche pas par indice CDU, c’est tout. Nous sommes un centre d’archives, et je pense que ça a été la chance pour le Mundaneum de pouvoir mettre en avant la protection de ce patrimoine en tant que tel et de pouvoir l’ériger en tant que patrimoine réel, important pour la communauté.

RC : En fait la classification décimale n’étant pas une méthode d’indexation standardisée, elle n’est pas demandée dans ces champs. Pour chaque champ à remplir dans le Dublin Core, vous avez des normes à utiliser. Par exemple, pour les dates, les pays et la langue vous avez les normes ISO, et la CDU n’est pas reconnue comme une norme.

Quand je décris dans Pallas, moi je mets l’indice CDU. Parce que les collections iconographiques sont classées par thématique. Les cartes postales géographiques sont classées par lieu. Et donc, j’ai à chaque fois l’indice CDU, parce que là, ça a un sens de le mettre.

FS : C’est très beau d’entendre cela mais c’est aussi tragique dans un sens. Il y a eu tellement d’efforts faits à cette époque là pour trouver un standard ...

RC : Nous n’avons pas encore trouvé aujourd’hui !

Un axe de communication

SM : La question de la légitimité du travail d’Otlet se place sur un débat contemporain qui est amené sur la gestion des bases de données, en gros. Ça c’est un axe qui est de communication, ce n’est pas un axe de travail de fond dans nos archives. Il faut distinguer des éléments et la politique de numérisation, ce n’est pas en train de vouloir dire : « Tiens, on est dans la gestion de méga-données chez nous. »

RC : Le fait d’avoir eu Paul Otlet reconnu comme père de l’internet etcetera, d’avoir pu le rattacher justement à des éléments actuels, c’était des sujets porteurs pour la communication. Ça ne veut pas dire que nous ne travaillons que là dessus. Il en a fait beaucoup plus que ça. C’était un axe porteur, parce qu’on est à l’ère de la numérisation, parce qu’on nous demande de numériser, de valoriser, sans vraiment savoir où on veut aller. On est encore à travailler sur les archives, à dépouiller les archives, à faire des inventaires et donc on est très très loin de ces réflexions justement Big Data et tout ça.

FS : Est-il imaginable qu’Otlet ait inventé le World Wide Web ?

SM : Franchement, pour dire les choses platement : C’est impossible, quand on a un regard historique, d’imaginer qu’Otlet à imaginé … enfin il a imaginé des choses, oui, mais est-ce que c’est parce que ça existe aujourd’hui qu’on peut dire « il a imaginé ça » ?. C’est ce qu’on appelle de l’anachronisme en Histoire. Déontologiquement, ce genre de choses, un historien, il ne peut pas le faire. Un communiquant peut le faire mais pas un historien. Un communiquant il ose tout. Je veux dire il n’a pas de difficulté. Il osera vendre sa mère.

RC : Il y a des concepts qu’il avait déjà compris. Maintenant, en fonction de l’époque, il n’a pas pu tout mettre en place mais, il y a des choses qu’il avait comprises dès le départ. Par exemple, standardiser les choses pour pouvoir les changer. Ça il le comprend dès le départ, c’est pour ça, la rédaction des fiches, c’est standardisé, vous ne pouvez pas rédiger n’importe comment. C’est pour ça qu’il développe la CDU, il faut un langage qui soit utilisable par tous. Il imagine avec les moyens de communications qu’il a à l’époque, il imagine déjà un moment pouvoir les combiner, sans doute parce qu’il a vu un moment l’évolution des techniques et qu’il pense pouvoir aller plus loin. Il pense à des matérialisations, quand il utilise des microfilms, il se dit « attention la conservation papier, il y a un soucis. Il faut conserver le contenu et donc il faut le passer sur un autre support ». D’abord il va essayer sur des plaques photographiques, il calcule le nombre de pages qu’il peut mettre sur une plaque et voilà. Il transforme ça en autre support.

Je pense qu’il a imaginé des choses, parce qu’il avait cette envie de communiquer le savoir, ce n’est pas quelqu’un qui a un moment avait envie de collectionner sans diffuser, non. C’était toujours dans cette idée de diffuser, de communiquer quelques soient les personnes, quelque soit le pays. C’est d’ailleurs pour ça qu’il adapte le Musée International, pour que tout le monde puisse y aller, même ceux qui ne savaient pas lire avaient accès aux salles et pouvaient comprendre, parce qu’il avait organisé les choses de telles façons. Il imagine à chaque fois des outils de communication qui vont lui servir pour diffuser ses idées, sa pensée.

Qu’il ait imaginé à un moment donné qu’on puisse lire des choses à l’autre bout du monde ? Il a du y penser, mais maintenant, techniquement et technologiquement, il n’a pas pu concevoir. Mais je suis sûre qu’il avait envisagé le concept.

Celui qui fait un peu de tout, il le fait un peu mal

SM : Otlet, à son époque, a par moments réussi à se faire détester par pas mal de gens, parce qu’il y avait une sorte de brouillage au niveau des domaines dans lesquels il exerçait. À la fois, cette fascination de créer une cité politique qui est la Cité Mondiale, et le fait de vouloir mélanger les genres, de ne pas être dans une volonté de standardisation avec des spécialistes, mais aussi une volonté de travailler avec le monde de l’industrie, parce que c’est ce qu’il a réussi. C’est un réel handicap à cette époque là parce que vous avez une spécialisation dans tous les domaines de la connaissance et finalement celui qui fait un peu de tout, il le fait un peu mal. Otlet, dans les milieux scientifiques, bénéficie toujours de cette réputation négative.

Si moi je parle à la Bibliothèque Royale d’Otlet on me regarde avec un sourire en coin « finalement c’était quand même l’œuvre d’un fou et ça n’a pas de valeur et ça vaut rien en terme de scientifique ». Pourquoi ? Peut être parce que Otlet a critiqué les missions de la Bibliothèque Royale fin 19e ?

Effectivement, il y a à la fois le Monsieur dans son époque, la vision que les scientifiques vont en garder aujourd’hui et des académiques. Et puis, il y a la fascination de tout un chacun. Notre travail à nous, c’est de faire de tout. C’est à la fois de faire en sorte que les archives soient disponibles pour le tout un chacun, mais aussi que le scientifique qui a envie d’étudier, dans une perspective positive ou négative, puisse le faire.

On est pas dans l’Otletaneum ici

FS : Le travail d’Otlet met en relation l’organisation du savoir et de la communication. Comment votre travail peut-il, dans un centre d’archives qui est aussi un lieu de rencontre et un musée, être inspiré - ou pas - par cette mission qu’Otlet s’était donné ?

SM : Il y a quand même un chose qui est essentielle, c’est qu’on est pas dans l’Otletaneum ici, on n’est pas dans la fondation Otlet.

Nous sommes un centre d’archives spécialisé, qui a conservé toutes les archives liées à une institution. Cette institution était animée par des hommes et des femmes. Et donc, ce qui les animaient c’était différentes choses, dont le désir de transmission. Et quand à Otlet, on a identifié son envie de transmettre et il a imaginé tous les moyens. Il n’était pas ingénieur non plus, il ne faut pas rire. Et donc, c’est un peu comme Jules Verne, il a rêvé le monde, il a imaginé des choses différentes, des instruments. Il s’est mis à rêver à certaines choses, à des applications. C’est un passionné, c’est un innovateur et je pense qu’il a passionné des gens autour de lui. Mais, autour de lui il y avait d’autres personnes, notamment Henri La Fontaine, qui n’est pas moins intéressant. Il y avait aussi le Baron Descamps et d’autres personnes qui gravitaient autour de cette institution. Il y avait aussi tout un contexte particulier lié notamment à la sociologie, aux sciences sociales, notamment Solvay, et voilà. Tout ceux qu’on retrouve et qui ont traversé une quarantaine d’années.

Aujourd’hui, nous sommes un centre d’archives avec des supports différents, avec cette volonté encyclopédique qu’ils ont eu et qui a été multi supports, et donc l’œuvre phare n’a pas été uniquement Le Traité de Documentation. C’était intéressant de comprendre sa genèse avec les visites que vous aviez fait, mais il y d’autres fonds, notamment des fonds liés au pacifisme, à l’anarchisme et au féminisme. Et aussi tout ce département iconographique avec ces essais un peu particuliers qui ne sont pas super connus.

Donc on n’est pas dans l’Otletaneum et nous ne sommes pas dans le sanctuaire d’Otlet.

ADV : La question est plutôt : comment s’emparer de sa vision dans votre travail ?

SM : J’avais bien compris la question.

RC : C’est vrai que tout à coup on pense qu’il n’y a plus que lui qui a fait le Mundaneum. Il faut savoir que c’est Henri La Fontaine qui dirigeait le projet de la CDU.

SM : On est sur des stéréotypes.

RC : Ce n’est pas qu’Otlet ne s’y est pas intéressé, mais c’est vrai que pour toute l’organisation … puisqu’ils ont travaillé à chaque fois avec des spécialistes pour chacun des domaines, mais c’est Henri La Fontaine qui menait tout ça, on l’a oublié.

ADV : Otlet a tout de même énormément écrit ?

SM : Il a écrit, il a interprété.

RC : Ce n’est pas parce que Otlet a écrit que La Fontaine n’a pas travaillé sur le projet. Ce n’était pas du tout les mêmes personnalités.

Il y a tout des pans d’archives, de documents, de collections qui sont complètements oubliés. Pas qu’on ne travaille plus dessus, mais c’est plutôt perdre la pensée d’Otlet en allant dans un seul sens, parce que lui il voulait justement brasser des savoirs, diffuser l’ensemble de la connaissance. Pour nous l’objectif c’est vraiment de pouvoir tout exploiter, tous les sujets, tous les supports, toutes les thématiques… Quand on dit qu’il a préfiguré internet, c’est juste deux schémas d’Otlet et on tourne autour de deux schémas depuis 2012, même avant d’ailleurs, ces deux schémas A4. Ils ne sont pas grands.

SM : Ce qui n’est pas juste non plus, c’est le caractère réducteur par lequel on passe quand on réduit le Mundaneum à Otlet et qu’onne réduit Otlet qu’à ça. Et d’un autre côté, ce que je trouve intéressant aussi, c’est les autres personnalités qui ont décidé de refaire aussi le monde par la fiche et là, notre idée était évidemment de mettre en évidence toutes ces personnes et les compositions multiformes de cette institution qui avait beaucoup d’originalité et pas de s’en tenir à une vision «  La Fontaine c’est le prix Nobel de la paix, Otlet c’est monsieur Internet, Léonie La Fontaine c’est Madame féminisme, Monsieur MD c’est l’anarchiste …  » On ne fait pas l’Histoire comme ça.

RC : Je me souviens quand je suis arrivée ici en 2002 : Paul Otlet c’était l’espèce de savant fou qui avait voulu créer une cité mondiale et qui l’avait proposée à Hitler. Les gens avaient oublié tout ce qu’il avait fait avant.

Vous avez beaucoup de bibliothèques qui aujourd’hui encore classent au nom de la CDU mais ils ne savent pas d’où ça vient. Tout ce travail on l’a fait et ça remettait, quand même, les choses à leur place et on l’a ouvert quand même au public. On a eu des ouvertures avec des différents publics à partir de ce moment là.

SM : C’est aussi d’avoir une vision globale sur ce que les uns et les autres ont fait et aussi de ce qu’a été l’institution, ce qui est d’ailleurs l’une des plus grosse difficulté qui existe. C’est de s’appeler Mundaneum dans l’absolu.

On est le « Mundaneum Centre d’archives » depuis 1993. Mais le Mundaneum c’est une institution qui nait après la première guerre mondiale, dont le nom est postérieur. Dans ses gènes elle est bibliographique et peut-être que ce sont ces différentes notions qu’il faut essayer d’expliquer aux gens.

Mais c’est quand même formidable de dire que Paul Otlet a inventé internet, pourquoi pas. C’est une formule et je pense que dans l’absolu la formule marque les gens. Maintenant, il n’a pas inventé Google. J’ai bien dit Internet.

Pour la parodie c’est sympa, pour la réalité moins

FS : Qu’est ce que votre collaboration avec Google vous a-t-elle apportée ? Qu’ont-ils numérisé ou pas ?

RC : C’est nous qui avons numérisé. C’est moi qui mets les images en ligne sur Google. Google n’a rien numérisé.

ADV : Mais donc vous vous transmettez des images et des métadonnées à Google mais le public n’a pas accès à ces images … ?

RC : Ils ont accès, mais ils ne peuvent pas télécharger.

FS : Les images que vous avez mises sur Google Cultural Institute sont aujourd’hui dans le domaine public et donc en tant que public, je ne peux pas voir que les images sont libres de droit, parce qu’elles sont toutes sous la licence standard de Google.

RC : Ils ont mis « Collection de la Fédération Wallonie Bruxelles » à chaque fois. Puisque ça fait partie des métadonnées qui sont transmises avec l’image.

ADV : Le problème, actuellement, comme il n’y a pas de catalogue en ligne, c’est qu’il n’y a pas tant d’autres accès. À part quelques images sur numeriques.be, quand on tape « Otlet » sur un moteur de recherche, on a l’impression que ce n’est que via le Google Cultural Institute par lequel on a accès et en réalité c’est un accès limité.

SM : C’est donc une impression.

RC : Vous avez aussi des images sur Wikimedia commons. Il y a la même chose que sur Google Cultural Institute. C’est moi qui les met des deux cotés, je sais ce que je mets. Et là je suis encore en train d’en uploader dessus, donc allez y. Pour l’instant, c’est de nouveau des schémas d’Otlet, en tout cas des planches qui sont mises en ligne.

Sur Wikimédia Commons je sais pas importer les métadonnées automatiquement. Enfin j’importe un fichier et puis je dois entrer les données moi même. Je ne peux pas importer un fichier Excel. Dans Google je fais ça, j’importe les images et ça se fait tout seul.

Je ne mets pas plus sur Google Cultural Institute que sur Wikipédia. Je ne favorise pas Google. Ce qu’il y a sur le Cultural Institute, c’est qu’on a la possibilité de réaliser des expositions virtuelles et quand j’upload là, c’est parce qu’on a une exposition qui va être faite.

On essaye de faire des expositions virtuelles. C’est vrai que ça fonctionne bien pour nous en matière de communication pour les archives. Ça, il ne faut pas s’en cacher. J’ai beaucoup de demandes qui arrivent, des demandes d’images, par ce biais là. Ça nous permet de valoriser des fonds et des thématiques qu’on ne pourrait pas faire dans l’espace.

On a fait une exposition sur Léonie Lafontaine, qui a permis de mettre en ligne une centaine de documents liés au féminisme, ça n’avait jamais été fait avant. C’était très intéressant et ça a eu un bon retour pour les autres expositions aussi. Moi, c’est plutôt comme ça que j’utilise Google Cultural Institute. Je ne suis pas pro Google mais là, j’ai un outil qui me permet de valoriser les archives.

ADV : Google serait-il la seule solution pour valoriser vos archives ?

SM : Notre solution c’est d’avoir un logiciel à nous. Pourquoi avoir cette envie d’aller mettre sur d’autres sites ? Parce qu’on ne l’a pas sur le nôtre. Pour rappel, on travaille pour la Communauté Française qui est propriétaire de la collection et avec laquelle on est conventionné. Elle ne nous demande pas d’avoir un logiciel externe. Elle demande qu’on ait notre propre produit aussi. Et c’est là dessus que l’on travaille depuis 2014, pour le remplacement de Pallas, parce que ça fait des années qu’ils nous disent qu’ils ne vont plus soutenir. C’est plutôt ça qui nous met dans une situation complètement incompréhensible.

Comment voulez vous qu’on puisse faire transparaître ce que nous avons si on n’a pas un outil qui permette aux chercheurs, quels qu’ils soient, scientifiques ou non, pour qu’ils puissent être autonomes dans leur recherches ? Et pour nous, le travail que nous avons fait en terme d’inventaire et de numérisation, qu’il soit exploitable de manière libre ?

Moi, franchement, je me demande, si cette question et cette vision que vous avez, elle ne se poserait pas si finalement nous étions déjà sur autre chose que Pallas. On est dans un inconfort de travail de base.

Je pense aussi que l’information à donner de notre part c’est de dire « il y a tout ceci qui existe, venez le voir ».

On arrive à sensibiliser aussi sur les collections qu’il y a au centre d’archives et c’est bien, c’est tout à fait intéressant. Maintenant ce serait bien aussi de franchir une autre étape et d’éduquer sur comment ouvrir au patrimoine. C’est ça aussi notre mission.

Donc Google à sa propre politique, nous avons mis à disposition quelques expositions et ceci peut être l’intérêt. Mais on a quand même tellement de partenaires différents avec lesquels on a travaillé. On ne privilégie pas un seul partenaire. Aujourd’hui, certaines firmes viennent vers nous parce qu’elles ont entendu parler justement plus de Google que du Mundaneum et en même temps du Mundaneum par l’intermédiaire de Google.

Ce sont des éléments qui nous permettent d’ouvrir peut-être le champ du dialogue avec d’autres partenaires mais qui ne permettent pas d’aller directement en profondeur dans les archives, enfin, dans le patrimoine réel que l’on a.

Je veux dire, on aura beau dire qu’on fait autre chose, on ne verra que celui là parce que Google est un mastodonte et parce que ça veut dire beaucoup de chose à tout le monde. On est dans une aire de communication particulière.

RC : Maintenant la collaboration Google et l’image que vous en avez et bien nous on en pâtit énormément au niveau des archives. Et encore, parce que souvent les gens nous disent « mais vous avez un gros mécène »

SM : Ils nous réduisent à ça. Pour la parodie c’est sympa, pour la réalité moins.

FS : Quand on parle aux gens de l’Université de Gand, c’est clair que leur collaboration avec Google Books a eu une autre fonction. Ce ne sont que des livres, des objets qui sont scannés de manière assez brutes. Il n’y a pas de métadonnées complexes, c’est plutot une question de volume.

SM : La politique de numérisation de l’Université de Gand, je pense, est plus en lien avec ce que Google imagine. C’est-à-dire qu’elle est la plus value que ça leur apporte de pouvoir travailler avec à la fois une bibliothèque universitaire telle que la bibliothèque de l’Université de Gand, et le fait de l’associer avec le Mundaneum.

FS : C’est aussi d'autres besoins, un autre type d’accès ? Dans une bibliothèque les livres sont là pour être lus, j’ai l’impression que ce n’est pas la même vision pour un centre d’archives.

SM : C’est bien plus complexe dans d’autres endroits.

Notre intention en terme de numérisation n’est pas celle là, et nous ne voyons pas notre action, nous, uniquement par ce biais là. C’est clair que l’Université de Gand a collaboré avec Google et qu’elle a numérisé la bibliothèque. Et, donc, pourquoi aller travailler avec l’Université de Gand ? Et bien, d’abord, parce qu’on a une très bonne relation avec eux, premier point. Et d’autre part, c’était un peu pour aussi, je dirais, avoir une association avec un autorité flamande, parce qu’on a un alter égo flamand, parce qu’on a cette habitude de travailler comme ça en Belgique. Et donc voilà, ça n’a rien a voir avec la politique de numérisation dans l’absolu.

Tout numériser

FS : J’ai entendu quelqu’un se demander «  pourquoi ne pas numériser toutes les fiches bibliographiques qui sont dans les tiroirs » ?

RC : Ça ne sert à rien. Toutes les fiches ça n’aurait pas de sens. Maintenant, ce serait intéressant d’en étudier quelques-unes.

Il y avait un réseau aussi autour du répertoire. C’est à dire que si on a autant de fiches, ce n'est pas seulement parce qu’on a des fiches qui ont été rédigées à Bruxelles, on a des fiches qui viennent du monde entier. Dans chaque pays il y avait des institutions responsables de réaliser des bibliographies et de les renvoyer à Bruxelles.

Ça serait intéressant d’avoir un échantillon de toutes ces institutions ou de toutes ces fiches qui existent. Ça permettrait aussi de retrouver la trace de certaines institutions qui n’existent plus aujourd’hui. On a quand même eu deux guerres, il y a eu des révolutions etcetera. Ils ont quand même travaillé avec des institutions russes qui n’existent plus aujourd’hui. Par ce biais là, on pourrait retrouver leur trace. Même chose pour des ouvrages. Il y a des ouvrages qui n’existent plus et pour lesquels on pourrait retrouver la trace. Il faut savoir qu’après la deuxième guerre mondiale, en 46-47, le président du Mundaneum est Léon Lesaut. Il est avocat, il habite Mons, sa maison d’ailleurs est au 37 rue de Nimy, pas très loin. Il collabore avec le Mundaneum depuis ses débuts et donc vu que les deux fondateurs sont décédés pendant la guerre, à ce moment là il fait venir l’UNESCO à Bruxelles. Parce qu’on est dans une phase de reconstruction des bibliothèques, beaucoup de livres ont été détruits et on essaye de retrouver leur traces. Il leur dit « venez à Bruxelles, nous on a le répertoire de tous ces bouquins, venez l’utiliser, nous on a le répertoire pour reconstituer toutes les bibliothèques ».

Donc, tout numériser, non. Mais numériser certaines choses pour montrer le mécanisme de ce répertoire, sa constitution, les différents répertoires qui existaient dans ce répertoire et de pouvoir retrouver la trace de certains éléments, oui.

Si on numérise tout, cela permettrait d’avoir un état des lieux des sources d’informations qui existaient à une époque pour un sujet.

SM : Le cheminement de la pensée.

Il y a des pistes très intéressantes et qui vont nous permettre d’atteindre des aspects protéiformes de l’institution, mais c’est vaste.

La mémoire vive de l’institution

FS : Nous étions très touchées par les fiches annotées de la CDU que vous nous avez montrées la dernière fois que nous sommes venues.

RC : Le travail sur le système lui-même.

SM : C’est fantastique effectivement, avec l’écriture d’Otlet.

SM : Autant on peut dire qu'Otlet est un maître du marketing, autant il utilisait plusieurs termes pour décrire une même réalité. C’est pour ça que ne s’attacher qu’à sa vision à lui c’est difficile. Comme classer ses documents, c’est aussi difficile.

RC : Otlet il était d’une ambiguïté crasse !

ADV : Otlet n’a-t-il pas laissé suffisamment de documentation ? Une documentation qui explicite ses systèmes de classement ?

RC : Quand on a ouvert les boîtes d'Otlet en 2002, c’était des caisses à bananes non classées, rien du tout. En fonction de ce qu’on connaissait de l’histoire du Mundaneum à l’époque on a pu déterminer plus ou moins des frontières et donc on avait le IIB, la CDU, la Cité Mondiale aussi, le Musée International.

SM : Du pacifisme ...

RC : On a appelé ça « Mundapaix » parce qu’on ne savait pas trop comment le mettre dans l’histoire du Mundaneum, c’était un peu bizarre. Le reste, on l'avait mis de côté parce qu’on n'était pas en mesure, à ce moment là, de les classer dans ce qu’on connaissait. Puis, au fur et à mesure qu’on s’est mis à lire les archives, on s’est mis à comprendre des choses, on a découvert des institutions qui avaient été créées en plus et ça nous a permis d’aller rechercher ces choses qu’on avait mises de coté.

Il y avait tellement d’institutions qui ont été créées, qui ont pu changer de noms, on ne sait pas si elles ont existé ou pas. Il faisait une note, il faisait une publication où il annonçait : « l’office centrale de machin chose » et puis ce n'est même pas sûr qu’il ait existé quelque part.

Parfois, il reprend la même note mais il change certaines choses et ainsi de suite … rien que sa numérotation c’est pas toujours facile. Vous avez l’indice CDU, mais ensuite, vous avez tout le système « M » c’est la référence aux manuels du RBU. Donc il faut seulement aller comprendre comment le manuel du RBU est organisé. C’est à dire trouver des archives qui correspondent pour pouvoir comprendre cette classification dans le « M ».

RC : On n’a pas trouvé un moment donné, et on aurait bien voulu trouver, un dossier avec l’explication de son classement. Sauf qu’il ne nous l’a pas laissé.

SM : Peut-être qu’il est possible que ça ait existé, et je me demande comment cette information a été expliquée aux suivants. Je me demande même si George Lorphèvre savait, parce qu'il n’a pas pu l’expliquer à Boyd Rayward. Ou alors c’est Boyd qui le n’a pas compris, je ne sais pas. En tout cas, les explications n’ont pas été passées.

Il faut s’imaginer qu’on est quand même là depuis quelques années et qu’il y a quelques éléments que Boyd Rayward connaît et sur lesquels il a focalisés en terme de valeur historique et que nous lui avons apprises. Raphaèle lui a appris qu’il y avait un fichier « K », il a eu du mal à comprendre, il a fallu lui expliquer plusieurs fois, parce qu’il ne nous croyait pas.

RC : On n’a pas beaucoup d’informations sur l’origine des collections, c’est-à-dire sur l’origine des pièces qui sont dans les collections. Par hasard, je vais trouver un tiroir où il est mis « dons » et à l’intérieur, je ne vais trouver que des fiches écrites à la main comme « dons de madame une telle de deux drapeaux pour le Musée International » et ainsi de suite.

Il ne nous a pas laissé un manuel à la fin de ses archives et c’est au fur et à mesure qu’on lit les archives qu’on arrive à faire des liens et à comprendre certains éléments. Aujourd’hui, faire une base de données idéale, ce n’est pas encore possible, parce qu’il y a encore beaucoup de choses que nous-mêmes on ne comprend pas. Qu’on doit encore découvrir.

ADV : Serait-il imaginable de produire une documentation issue de votre cheminement dans la compréhension progressive de cette classification ? Par exemple, des textes enrichis donnant une perception plus fine, une trace de la recherche. Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait exister ?

RC : Oui, ce serait intéressant.

Par exemple si on prend le répertoire bibliographique. Déjà, il n’y a pas que des références bibliographiques dedans. Vous avez deux entrées : entrée par matière, entrée par auteur, donc vous avez le répertoire A et le répertoire B. Si vous regardez les étiquettes, parfois, vous allez trouver autre chose. Parfois, on a des étiquettes avec « ON ». Vous savez ce que c’est ? C’est « catalogue collectif des bibliothèque de Belgique ». C’est un travail qu’ils ont fait à un moment donné. Vous avez les « LDC » les « Bibliothèques collectifs de sociétés savantes ». Chaque société ayant un numéro, vous avez tout qui est là. Le « K » c’est tout ce qui est administratif donc à chaque courrier envoyé ou reçu, ils rédigeaient une fiche. On a des fiches du personnel, on sait au jour le jour qui travaillait et qui a faisait quoi… Et ça, il ne l’a pas laissé dans les archives.

SM : C’est presque la mémoire vive de l’institution.

On a eu vraiment cette envie de vérifier dans le répertoire cette façon de travailler, le fait qu’il y ait des informations différentes. Effectivement, c’était un peu avant 2008, qu’on l'a su et cette information s’est affinée avec des vérifications. Il y a eu des travaux qui ont pu être faits avec l’identification de séries particulières des dossiers numérotés que Raphaèle a identifié. Il y avait des correspondances et toute une structuration qu’on a identifié aussi. Ce sont des sections précises qui ont permis d’améliorer, à la fois la CDU, au départ de faire la CDU, de faire le répertoire et puis de créer d’autres sections, comme la section féministe, comme la section chasse et pèche comme la section iconographique. Et donc, par rapport à ça, je pense qu’il y a vraiment tout un travail qui doit être mis en relation à partir d’une observation claire, à partir d’une réflexion claire de ce qu’il y a dans le répertoire et dans les archives. Et ça, c’est un travail qui se fait étape par étape. J’espère qu’on pourra quand même bien avancer là dessus et donner des indications qui pourront permettre d’aller un peu plus loin, je ne suis pas sûre qu’on verra le bout.

C’est au moins de transmettre une information, de faire en sorte qu’elle soit utilisable et que certains documents et ces inventaires soient disponibles, ceux qui existent aujourd’hui. Et que ça ne se perde pas dans le temps.

FS : Un jour, pensez-vous pouvoir dire « voilà, maintenant c’est fini, on a compris » ?

SM : Je ne suis pas sûre que ce soit si impossible que ça. Ça dépend de notre organisation en interne, de notre possibilité à pouvoir à un certain moment travailler sur certains dossiers de manière continue et structurée.

Aujourd’hui on est passé à une politique de numérisation par un matériel, par une spécialisation du personnel. Et je pense que cette spécialisation nous a permis, depuis des années, d’aller un peu plus profondément dans les archives et donc de mieux les comprendre. Il y a un historique que l’on comprend véritablement bien aussi, il ne demande qu’à se déployer. Il y a à comprendre comment on va pouvoir valoriser cela autour de journées, autour de publications, autour d’outils qui sont à notre disposition. Et donc, autour de catalogues en ligne, notamment, et de notre propre catalogue en ligne.

C’est ça qu’il faut imaginer

FS : Les méthodes et les standards de documentation changent, l’histoire institutionnelle et les temps changent, les chercheurs passent… vous avez vécu avec tout ça depuis longtemps. Je me demande comment le faire transparaître, le faire ressentir?

SM : C’est vrai qu’on aimerait bien pouvoir axer la communication de l’institution sur ces différents aspects. C’est bien ça notre rêve en fait, ou notre aspiration. Pour l’instant, on est plutôt en train de se demander comment on va mieux communiquer nous, sur ce que nous faisons nous ?

RC : Est-ce que ce serait uniquement en mettant en ligne des documents ? Ou imaginer une application qui permettrait de les mettre en œuvre? Par exemple, si je prends la correspondance, moi j’ai lu à peu près 3000 courriers. En les lisant, on se rend vraiment compte du réseau. C’est-à-dire qu’on se rend compte qu’il a de la correspondance à peu près partout dans le monde. Que ce soit avec des particuliers, avec des bibliothèques, avec des universités, avec des entreprises et donc déjà rien qu’avec cet échantillon-là, ça donne une masse d’informations. Maintenant, si on commence à décrire dans une base de données, lettre par lettre, je ne suis pas sûre que cela apporte quelque chose. Par contre, si on imagine une application qui permette de faire ressortir sur une carte à chaque fois le nom des correspondants, là, ça donne déjà une idée et ça peut vraiment mettre en œuvre toute cette correspondance. Mais prise seule juste comme ça, est-ce que c’est vraiment intéressant ?

Dans une base de données dite « classique », c’est ça aussi le problème avec nos archives, le Mundaneum n'étant pas un centre d’archives comme les autres de par ses collections, c’est parfois difficile de nous adapter à des standards existants.

ADV : Il n’y aurait pas qu’un seul catalogue ou pas une seule manière de montrer les données. C’est bien ça ?

RC : Si vous allez sur Pallas vous avez la hiérarchie du fond Otlet. Est-ce que ça parle à quelqu’un, à part quelqu’un qui veut faire une recherche très spécifique ? Mais sinon ça ne lui permet pas de vraiment visualiser le travail qui a été fait, et même l’ampleur du travail.

Nous, on ne peut pas se conformer à une base de donnée comme ça. Il faut que ça existe mais ça ne transparaît pas le travail d'Otlet et de La Fontaine. Une vision comme ça, ce n'est pas Mundaneum.

SM : Il n’y a finalement pas de base de données qui arrive à la cheville de ce qu’ils ont imaginés en terme de papier. C’est ça qu’il faut imaginer.

FS : Pouvez-vous nous parler de cette vision d’un catalogue possible ? Si vous aviez tout l’argent et tout le temps du monde ?

SM : On ne dort plus alors, c’est ça ?

Il y a déjà une bonne structure qui est là, et l’idée c’est vraiment de pouvoir lier les documents, les descriptions. On peut aller plus loin dans les inventaires et numériser les documents qui sont peut-être les plus intéressants et peut-être les plus uniques. Maintenant, le rêve serait de numériser tout, mais est-ce que ce serait raisonnable de tout numériser ?

FS : Si tous les documents étaient disponibles en ligne ?

RC : Je pense que ça serait difficile de pouvoir transposer la pensée et le travail d'Otlet et La Fontaine dans une base de données. C’est à dire, dans une base de données, c’est souvent une conception très carrée : vous décrivez le fond, la série, le dossier, la pièce. Ici tout est lié. Par exemple, la collection d’affiches, elle dépend de l’Institut International de Photographie qui était une section du Mundaneum, c’était la section qui conserve l’image. Ça veut dire que je dois d’abord comprendre tous les développements qui ont eu lieu avec le concept de documentation pour ensuite lier tout le reste. Et c’est comme ça pour chaque collection parce que ce ne sont pas des collections qui sont montées par hasard, elles dépendaient à chaque fois d’une section spécialisée. Et donc, transposer ça dans une base de données, je ne sais pas comment on pourrait faire.

Je pense aussi qu’aujourd’hui on n’est pas encore assez loin dans les inventaires et dans toute la compréhension parce qu’en fait à chaque fois qu’on se plonge dans les archives, on comprend un peu mieux, on voit un peu plus d’éléments, un peu plus de complexité, pour vraiment pouvoir lier tout ça.

SM : Effectivement nous n’avons pas encore tout compris, il y a encore tous les petits offices : office chasse, office pèche …

RC : À la fin de sa vie, il va aller vers tout ce qui est standardisation, normalisation. Il va être membre d’associations qui travaillent sur tout ce qui est norme et ainsi de suite. Il y a cet aspect là qui est intéressant parce que c’est quand même une grande évolution par rapport au début.

Avec le Musée International, c’est la muséographie et la muséologie qui sont vraiment une grosse innovation à l’époque. Il y a déjà des personnes qui s’y sont intéressé mais peut-être pas suffisamment.

Je rêve de pouvoir reconstituer virtuellement les salles d’expositions du Musée International, parce que ça devait être incroyable de voyager là dedans. On a des plans, des photos. Même si on n’a plus d’objets, on a suffisamment d’informations pour pouvoir le faire. Et il serait intéressant de pouvoir étudier ce genre de salle même pour aujourd’hui, pour la muséographie d’aujourd’hui, de reprendre exemple sur ce qu’il a fait.

FS : Si on s’imagine le Mundaneum virtuel, vraiment, si on essaye de le reconstruire à partir des documents, c’est excitant !

SM : On en parle depuis 2010, de ça.

FS : C’est pas du tout comme le scanner hig-tech de Google Art qui passe devant le Mona Lisa …

SM : Non. C’est un autre travail

FS : Ce n’est pas ça le musée virtuel.

RC : C’est un autre boulot.
  1. « Pallas permet de décrire, de gérer et de consulter des documents de différents types (archives, manuscrits, photographies, images, documents de bibliothèques) en tenant compte des conditions de description spécifiques à chaque type de document. » http://www.brudisc.be/fr/content/logiciel-pallas
  2. « Images et histoires des patrimoines numérisés » [1]</div>
  3. « Notre mission : On transforme le monde par la culture! Nous voulons construire sur le riche héritage culturel européen et donner aux gens la possibilité de le réutiliser facilement, pour leur travail, pour leur apprentissage personnel ou tout simplement pour s’amuser. » http://www.europeana.eu</div>
  4. « The Dublin Core Metadata Initiative (DCMI) supports shared innovation in metadata design and best practices across a broad range of purposes and business models. » http://dublincore.org/about-us/
  5. La norme générale et internationale de description archivistique, ISAD(G) http://www.ica.org/sites/default/files/CBPS_2000_Guidelines_ISAD%28G%29_Second-edition_FR.pdf</div>