Difference between revisions of "17 HISTOIRE ET ÉVOLUTION. PHASES DES SCIENCES BIBLIOLOGIQUES"

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1. Trois points de vue tendent à prévaloir dans toute science : le statique, le dynamique, le génétique ou évolutif. De même en Bibliologie. Très longtemps statique, elle-même doit se faire maintenant largement évolutive et génétique.

La loi d’évolution est générale. On la retrouve dans les phénomènes biologiques, sociaux et ceux qui portent l’objet des autres sciences. Influence du milieu, procédés organiques divers et réitérés d’agrégation des parties en un tout ; transition incessante d’un ordre moins homogène, moins organique, moins efficace et moins parfait à un autre plus homogène, plus organique, plus efficace et plus parfait.

Sous le nom d’« Histoire du Livre », des matériaux considérables ont été rassemblés, mais ils visent les détails plus que les ensembles. L’Histoire du Livre, distincte de l’histoire des sciences bibliologiques, sera traitée au chapitre qui envisage les livres aux diverses époques.

Une histoire du livre détaillée est une source incomparable pour la compréhension réelle du livre tel qu’il se présente aujourd’hui. Le livre est l’aboutissement d’une longue, très longue évolution et bien peu de ses détails qui soient le résultat d’un hasard et d’un facteur arbitraire. On est stimulé ainsi à créer de nouveaux types, en connaissance plus complète des possibilités. Les notes historiques éclairent tout exposé et lui donnent une signification plus vive.

Il semble que pour nos objets familiers comme pour nos connaissances, le plus difficile est d’en prendre conscience, de les détacher pour ainsi dire en nous-mêmes, pour leur faire prendre existence et consistance propre. C’est le « désaxement » facilité par l’histoire, qui rend possible cette « autonomisation ».

2. La Documentation, vieille comme l’homme au moment où il inscrivait ses premiers signes, a offert trois phases dans son développement récent :

1° Au sortir des temps modernes, les Bibliothèques constituent de grands centres d’érudition. Elles commandent l’activité intellectuelle et entreprennent l’œuvre de leur catalogue concurremment avec celle du collectionnement. C’est d’autre part chez elles et c’est avec leurs ressources en matériaux de toute nature que s’entreprennent alors les grandes compilations, recueils, dictionnaires, encyclopédies.

2° Ensuite la Bibliographie se dégage peu à peu de la Bibliothèque. Elle naît des besoins, non d’une collection déterminée, qui est satisfaite par le catalogue, mais de la Science, désireuse de se servir des livres où qu’ils soient entreposés. Pour se constituer une méthode, — celle de la description des livres et des études sur les ensembles de livres, — elle arrive bientôt à élargir la conception qu’elle se fait du livre lui-même jusqu’à lui substituer la notion du document. À partir de ce moment, à l’étroit dans les anciens cadres, la Bibliographie s’affirme autonome, l’égale même de la Bibliothéconomie, et critique son particularisme. En travaillant dans la catégorie de l’universel, elle influence rapidement la science, la production intellectuelle elle-même, à laquelle elle apporte le moyen de se représenter plus clairement sa propre universalité.

3° Et maintenant voici qu’une nouvelle phase est commencée. Ce n’est plus ni celle de la Bibliothéconomie, ni celle de la Bibliographie, c’est celle de l’ensemble du Livre et du Document, la Documentation. L’une et l’autre en sont des parties, mais des parties rattachées à un corps plus vaste, dont l’existence les élargit, les élève, les transforme.

On peut rapprocher tout ce développement de celui de la Chimie à travers les âges. Science théorique, industrie pratique, on ne trouve d’abord que les officines du moyen âge avec chez quelques esprits la préoccupation du problème de la matière, de ses espèces et de ses créations. La chimie naît lentement de l’Alchimie et de la Philosophie naturelle, et un moment vient, le nôtre, où toute la pharmacie est absorbée et réordonnée par la Chimie.

3. Il ne faudrait trop s’étonner que la Bibliologie ne se constitue que de nos jours. Il fallait d’abord que les livres existassent avant de pouvoir les décrire, les analyser et dégager de leur existence même des faits généraux. De même la Critique littéraire est apparue tardivement « le dernier produit d’une longue expérience disait Longin, avec la tâche de constater l’état-civil des vivants et de relever les morts », Proudhon (sur l’Économie politique), a dit : « L’Histoire de la Bibliologie est nécessairement prématurée si on la juge au point de vue d’une Science faite. Mais elle est lumineusement utile sous ce rapport qu’elle est le dernier degré que nous ayons à monter pour arriver au sanctuaire ».

Il y a des sciences qui se sont formées au sein des universités. D’autres hors les universités : ainsi la Statistique. Il est compréhensible que la Bibliologie se soit constituée hors les universités et qu’elle s’impose aujourd’hui à elles.

4. L’histoire des moyens de communications montre les phases suivantes :

Première époque. — D’abord le langage est le seul moyen de communication. Plus tard, les nouvelles se transmettent par des signaux (feux de nuit, signaux par le langage des tambours en Afrique). Plus tard, le système des messagers. Deuxième époque. — Communication par l’Écriture.

Le livre, l’écriture sont si importants qu’on dénomme période préhistorique celle qui va des premières manifestations humaines aux premiers documents écrits.

Troisième époque. — Communication par des appareils mécaniques. Imprimerie (journal), Télégraphie, Téléphone, Poste, Radiophonie.

XXe Siècle. — Nous nous sommes trouvés subitement en présence du livre en large collaboration de la publication périodique et continuelle, de la commercialisation, des formes matérielles nouvelles, notamment des répertoires sur fiches, de l’invasion du texte par l’image, des procédés de notation, de chiffrage et de diagramme, de la culture simultanée de toutes les sciences de leur application.

Peut-être sommes-nous à un moment aussi important dans l’Histoire du Livre qu’a été la découverte et la généralisation de l’imprimerie au XVe siècle. En toute matière les grands changements d’orientation nécessitent de longues et patientes préparations. Après les efforts particuliers des dernières décades, nous assistons maintenant à ce qu’on pourrait appeler la rénovation de la pensée bibliologique.

5. Les phases du livre correspondent aux phases de la Pensée : 1° Les pensées primitives. 2° L’expression littéraire de la pensée morale, philologique, scientifique. 3° La science constituée. 4° L’étape nouvelle : la science synthétisée, documentée, visualisée, mathématisée, se condensant, se ramassant pour mieux bondir plus loin et plus haut.

C’est la parole extérieure, la vérité, la phonation, qui a fini par modeler la parole intérieure, et a donné au travail de notre pensée l’expression verbale, une réalité presque tangible. De même, c’est l’écriture qui a donné une forme, une réalité à la science : l’écriture a peu à peu constitué les livres. D’une manière générale, on peut suivre cette histoire de la pensée cérébrée (cogitée) et se constituant peu à peu en un vaste organisme intellectuel, la science.

6. La science bibliologique dans sa première phase a été purement descriptive : La Bibliographie proprement dite. Dans une deuxième elle a tendu à devenir théorique : Bibliologie. Voici qu’elle tend à devenir technique, c’est-à-dire à influencer la confection du livre par des règles déduites de la théorie (Bibliotechnie). Cessant d’être la servante de livres tout faits, et insuffisamment bien faits, elle revendique une action sur les livres à faire. Elle prescrit à la fois les meilleures formes (abstraction faite du contenu) et l’opportunité d’écrire certains ouvrages selon les besoins scientifiques reconnus, ce qui est aujourd’hui livré entièrement à l’arbitraire des éditeurs et souvent des auteurs. Cette fonction, les sciences du livre ont à la partager avec l’organisation scientifique de chaque science.


Traité de documentation